Un rapport considère que l’Afrique de l’Ouest est un futur point sensible de conflits liés à la pêche
PERSONNEL D’ADF
Onze pays d’Afrique de l’Ouest sont désignés comme futurs point sensibles des conflits liés à la pêche. Ces endroits pourraient être sujets à des affrontements sur les ressources marines au cours des six prochaines années à cause de la diminution des stocks de poisson due à la pêche illégale, non signalée et non réglementée (INN).
Selon un rapport du World Wildlife Fund (WWF), il est très probable que le Cameroun, le Gabon, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, le Nigeria, la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Sénégal et Sao Tomé-et-Principe soient sujets à des conflits futurs entre les chalutiers industriels étrangers, les pêcheurs artisanaux et les communautés de pêche locales.
Les autres zones ainsi désignées sur le continent sont le Mozambique et la Somalie.
La Chine, qui régit la première flotte de pêche en eaux distantes du monde, est de loin le pire acteur malveillant de la pêche INN en Afrique et dans le monde entier. Parmi les dix premières sociétés pratiquant la pêche illégale dans le monde, huit sont chinoises, selon la Financial Transparency Coalition (FTC).
Vanda Felbab-Brown, co-directrice de l’initiative de la sécurité africaine à la Brookings Institution, a déclaré : « Nous étudions les [chalutiers chinois] qui pêchent dans les zones des autres et pratiquent le chalut de fond », pratique illégale dans laquelle une quantité énorme de faune aquatique est ramassée du fond des océans.
« Ils déciment une zone spécifique des océans en saisissant le poisson des mains des pêcheurs artisanaux en Afrique de l’Ouest. Certains pêcheurs ne peuvent plus pêcher pour nourrir leur famille », a-t-elle dit lors d’un événement coparrainé par Brookings et WWF.
La concurrence pour le poisson conduit parfois à des conflits directs entre les petits bateaux de pêche artisanaux et les gros chalutiers industriels. Ces gros navires sont bien connus pour percuter les petits bateaux, endommager leurs filets et leur équipement, et les arroser avec des canons à eau.
La pêche illégale a conduit à la perte de plus de 300.000 emplois de pêche artisanale dans la région, selon l’International Collective in Support of Fishworkers.
Le fléau fait perdre à l’Afrique de l’Ouest une somme estimée à 10 milliards de dollars par an, selon un rapport de septembre 2023 publié par le Stimson Center (groupe de réflexion), alors que la FTC a découvert que la région attirait 40 % des chalutiers illégaux du monde.
Dans la région, les chalutiers chinois ont conclu des accords de pêche à long terme, mais ils ne sont généralement pas tenus responsables pour les activités illégales parce qu’il existe peu de capacité de mise en application du droit maritime dans de nombreuses zones, selon le Dr Felbab-Brown.
La corruption et la nature non publique de ces accords laissent « une capacité minimale pour que les communautés locales puissent comprendre » ces accords de pêche étrangers, ajoute-t-elle.
Sarah Glaser, directrice principale du devenir des océans de WWF, a déclaré pendant le webinaire que certains accords de pêche chinois en Afrique de l’Ouest seront valides pendant 90 ans.
Les Dr Felbab-Brown et Glaser ont lié la pêche INN à la piraterie et d’autres crimes maritimes.
Bien que le nombre d’incidents de piraterie en Afrique de l’Ouest soit resté faible en 2023, le golfe de Guinée a toujours enregistré trois des quatre détournements signalés sur la planète, et tous les quatorze membres d’équipage qui ont été enlevés l’an dernier, selon le Centre de documentation sur la piraterie du Bureau maritime international – Chambre de commerce internationale.
Il est probable que la pêche illégale sera exacerbée par les changements de température des océans, qui pourraient forcer le poisson à migrer irrégulièrement, déclare le Dr Glaser.
« Vous allez avoir des conflits dus au poisson en tant que ressource en baisse ». Cette concurrence pourrait forcer « les pêcheurs à se déplacer du pays A au pays B » à la recherche de nourriture.
Le Dr Felbab-Brown avertit que le manque de poisson pourrait persuader les pêcheurs traditionnels à chercher un emploi illicite, par exemple la contrebande des stupéfiants.
« Les océans sont intrinsèquement liés à ce qui se passe sur la terre, dit-elle. De façon importante, les océans sont une énorme source de sécurité alimentaire, une source cruciale de protéines. La perte de la sécurité alimentaire peut conduire à toute une gamme de conflits. »
Elle affirme qu’une « approche pangouvernementale » pour combattre la pêche illégale « devrait faire face aux groupes criminels organisés ».
Plusieurs experts sont d’accord que la région nécessite une plus grande collaboration et coopération, et une amélioration de la législation, des opérations et de la formation, pour combattre la pêche illégale.
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