Selon les analystes, la supervision par les civils est cruciale pour responsabiliser le secteur de la sécurité
PERSONNEL D’ADF
Le manque de supervision civile dans le secteur de la sécurité d’un pays peut avoir des conséquences désastreuses conduisant à la méfiance du public vis-à-vis des forces de sécurité, ce qui représente un défi pour l’ensemble du continent.
L’Afrobaromoter a signalé que plus de 50 % des personnes sondées en Côte d’Ivoire, dans l’Eswatini, au Gabon, au Nigeria et au Togo ont exprimé peu de confiance, ou une absence totale de confiance, dans l’armée de leur pays. Plus de 40 % des participants dans neuf autres pays ont la même opinion.
La supervision civile inclut le rôle des parlements et des commissions parlementaires pour superviser la gouvernance, la transparence, la responsabilisation et l’efficacité du secteur de sécurité d’un pays.
Sean Tait, directeur de l’African Policing Civilian Oversight Forum, a décrit la surveillance civile comme étant « à la fois proactive et réactive ».
Elle concerne « l’adoption des lois, les politiques de défense et tous les cadres réglementaires et juridiques, dit-il à ADF. Il y a le rôle joué par les commissions parlementaires. Le rôle de votre propre commission de défense est crucial pour fournir une composante et une supervision civile dans [l’évolution que] vous souhaitez pour les forces armées. Elle concerne les appropriations budgétaires et les examens de performance. Les commissions parlementaires de défense sont incroyablement importantes. »
L’établissement d’un budget de la défense est l’une des tâches les plus importantes d’une commission parlementaire.
En République démocratique du Congo (RDC), la Commission de l’Assemblée nationale sur la défense et la sécurité se réunit avec des équipes budgétaires de l’armée, de la police, du service d’immigration et des services de renseignement pour déterminer leurs exigences et leurs besoins. Des réunions avec la Commission financière et économique sont ensuite programmées. Tous les membres du Parlement examinent le budget du secteur de la défense et de la sécurité avant son affectation.
« Cette année, nos travaux nous ont permis de doubler le budget de la défense », déclare Bertin Mubonzi, président de la Commission de défense et de sécurité de la RDC, au Centre d’études de sécurité de l’Afrique (CESA).
Il dirige aussi une commission établie par le Bureau de l’Assemblée nationale pour déterminer si les fonds de sécurité sont employés correctement.
« Cette commission a été établie parce que nous avons malheureusement reçu des informations expliquant en détail le détournement des fonds au sein de la chaîne de commandement de l’armée et des autres services de sécurité, déclare-t-il au CESA. En fait, nous affectons parfois des fonds et les officiers de haut rang les emploient pour leurs propres besoins. Et en fin de compte, les soldats de première ligne ne reçoivent rien. »
Un grand nombre de pays africains n’ont pas de supervision législative efficace de leur secteur de la sécurité. Selon M. Tait, le contrôle des forces armées est souvent concentré dans le pouvoir exécutif.
« Le président est aussi chef des forces armées, dit-il. C’est un atout qu’ils ont, un pouvoir qu’ils ont, et ce n’est pas quelque chose qu’ils vont abandonner très facilement. Il existe aussi beaucoup de corruption. Il y a un budget mais il y a l’obfuscation de ne pas définir clairement les dépenses. Passez simplement un budget global et barbouillez-le. »
Selon le général de brigade Dan Kuwali de la Force de défense du Malawi, commandant du Collège national de la défense du Malawi, le professionnalisme des forces de défense et de sécurité s’estompe lorsqu’ils dépendent des chefs politiques plutôt que du public.
« Chaque pays africain devrait avoir des lois claires qui interdisent les acteurs politiques d’ordonner aux membres des organes de sécurité d’agir politiquement en vue de bénéficier au parti sortant ou de saper les intérêts des partis d’opposition, écrit le général. Ces lois devraient spécifier des sanctions sévères pour les contrevenants. Les citoyens devraient aussi être légalement responsabilisés à pétitionner les tribunaux lorsque des acteurs de sécurité sont déployés dans des actions politiques. »
Malgré les nombreux défis, il y a des moyens de renforcer la supervision civile, par exemple en nommant un médiateur.
« Le médiateur militaire a le pouvoir de recevoir des plaintes du personnel militaire, déclare M. Tait. Il reçoit aussi des plaintes du public et il détient un élément de supervision de la police militaire. Ils ne sont pas fréquents sur le continent mais leur mandat consiste à assurer la supervision civile opérationnelle, en plus de la supervision parlementaire. »
Les commissaires des droits de l’homme et les agences anti-corruption, comme celles de l’Afrique du Sud, du Ghana, du Kenya, du Malawi et du Nigeria, fournissent aussi des moyens viables pour que les civils contribuent à la gouvernance du secteur de la sécurité, déclare le général Kuwali. Les cas de corruption, de détournement de fonds et de blanchiment d’argent sont souvent soumis à l’attention publique par les organismes de la société civile.
La création d’un échéancier régulier de briefings de sécurité pour les élus afin d’améliorer leur compréhension du secteur de la sécurité établira aussi la confiance du public à l’égard de l’armée et de la police. Le général Kuwali fait aussi appel à des dispositifs de vérification et un plus grand soutien à la collaboration de la société civile.
Certains pays évoluent vers le renforcement de la supervision civile.
« Au Kenya, en Afrique du Sud, au Nigeria et au Malawi, vous constatez le début et l’existence de cadres législatifs robustes et de l’institutionnalisation de la supervision civile dans la pensée nationale et la constitution », déclare M. Tait.
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