Selon les analystes, des mesures collectives sont nécessaires de toute urgence pour combattre le terrorisme
PERSONNEL D’ADF
Le nombre d’attaques terroristes en Afrique est passé de 330 en 2000 à 2.365 en 2018, selon la GTD (base de données sur le terrorisme mondial).
Cette augmentation du nombre d’attaques par un facteur de sept a conduit à un accroissement des dépenses militaires dans les pays affectés et leurs voisins. Les budgets militaires du continent sont passés de 10,6 à 32,8 milliards de dollars entre 2000 et 2018.
La montée du terrorisme a aussi incité certains pays à augmenter le budget de leurs forces armées pour répondre à l’augmentation du budget d’un pays voisin.
Ces effets soulignent le « besoin urgent » de mesures collectives pour riposter aux menaces de sécurité du continent, selon une analyse d’Amadou Boly, assistant spécial de l’économiste en chef et vice-président de la Banque africaine de développement, et Éric Nazindigouba Kéré, chargé supérieur d’évaluation à ladite banque.
Les analystes ont abordé ce sujet récemment dans un reportage de VoxEU et un article technique intitulé « Le terrorisme et les dépenses militaires en Afrique : une analyse des effets indirects ».
« Étant donné que les effets de l’augmentation des dépenses militaires sur la croissance seront probablement négatifs, nos résultats indiquent que les effets indirects du terrorisme ou la complémentarité des dépenses militaires peuvent affecter négativement la croissance d’un pays, même dans l’absence d’attaques terroristes directes », ont-ils écrit dans l’article.
Ils recommandent que les pays envisagent d’offrir un soutien actif aux pays affectés pour combattre le terrorisme avant que cette menace ne franchisse leurs frontières. Ce fut le cas lorsque les Forces de défense du Rwanda ont été déployées dans la province mozambicaine du Cabo Delgado en 2021. La force de la Communauté de développement d’Afrique australe fut aussi déployée plus tard.
Les analystes affirment que des mécanismes régionaux de sécurité sont très nécessaires. Certains existent déjà, notamment la Force conjointe du G5 Sahel, la Force multinationale mixte, l’Initiative d’Accra et la Force en attente de la CEDEAO (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest).
Ils écrivent dans VoxEU : « Toutefois, étant donné la multiplicité et la redondance des communautés ou des mécanismes régionaux, une rationalisation et un regroupement devraient être priorisés pour éliminer le gaspillage des ressources dû à la duplication onéreuse, à la fragmentation ou au manque de coordination des activités. »
Au niveau du continent, ils recommandent une revitalisation accélérée de l’architecture africaine de paix et de sécurité, notamment par la mise en œuvre d’une taxe de 0,2 % sur les importations qualifiées, pour accroître l’autonomie financière de l’Union africaine.
Les analystes déclarent que des mesures collectives sont aussi nécessaires pour soutenir les efforts nationaux visant à éliminer les réseaux criminels, la cybercriminalité et le trafic des êtres humains, des stupéfiants et des armes, qui profitent tous au terrorisme.
« En réduisant le soutien financier du terrorisme, la coopération internationale peut affaiblir la capacité d’action des terroristes et réduire la fréquence et la prédominance des attaques terroristes », écrivent-ils dans VoxEU.
Ils font aussi appel à des réformes de gouvernance pour renforcer la gestion des finances publiques, promouvoir la transparence et la prise de responsabilité dans le service public, et combattre la corruption, causes fondamentales du terrorisme.
La dernière année qu’ils ont analysée est 2018. Depuis lors, le terrorisme s’est accéléré sur le continent.
Près de la moitié de tous les décès mondiaux liés au terrorisme en 2021 se sont produits en Afrique subsaharienne. 34 % de ces décès se sont produits au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en Somalie, quatre des 10 pays les plus affectés, selon les Nations unies.
Seulement au Kenya, les attaques liées aux shebabs sont passées de 51 en 2021 à 77 en 2022, soit une augmentation de 26 %, selon un rapport du Center for Human Rights and Policy Studies. Ces attaques ont conduit à 116 décès, comparé à 100 en 2021, y compris 42 civils. La plupart des attaques se sont concentrées près de la frontière entre le Kenya et la Somalie.
Les quinze pays membres de la CEDEAO ont enregistré plus de 1.800 attaques terroristes ayant conduit à près de 4.600 décès au cours du premier semestre 2023, selon l’ONU.
Les attaques se sont concentrées au Faso (2.725 décès), au Mali (77 décès), au Niger (77 décès) et au Nigeria (70 décès).
Omar Touray, président de la Commission de la CEDEAO, a déclaré que la montée des attaques au Bénin et au Togo est une « indication frappante de l’expansion du terrorisme vers les états côtiers, situation qui pose des menaces supplémentaires dans la région », selon un rapport de l’ONU.
Il a dit au Conseil de sécurité des Nations unies à la fin juillet que les chefs militaires régionaux ont proposé deux options pour enrayer la propagation du terrorisme : l’établissement d’une brigade avec des effectifs de 5.000 personnes à un coût annuel de 2,3 milliards de dollars, ou le déploiement de soldats sur demande à un coût annuel de 360 millions.
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