PERSONNEL D’ADF
Lorsque le chef du Conseil transitionnel de souveraineté du Soudan a limogé son adjoint, personne n’a été surpris. Les deux hommes se font la guerre et de ce fait le pays est rapidement mis en pièces.
Le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan a annoncé le 19 mai qu’il avait officiellement congédié Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemeti en tant que chef des Forces de soutien rapide (RSF). Les deux généraux avaient une relation inconfortable de partage du pouvoir depuis le coup d’État de 2021 qui avait mis fin à un gouvernement transitionnel dirigé par des civils et des membres des forces armées.
Les deux généraux ont une chose en commun : chacun veut acquérir des richesses personnelles avec peu d’égard pour la bonne gouvernance du pays. Mais par ailleurs, ils sont très différents.
Le général Burhan est un soldat professionnel d’environ 62 ans qui a travaillé pour Omar el-Beshir pendant plusieurs décennies. Il dirige les Forces armées du Soudan (SAF), c’est-à-dire l’armée nationale, dont les effectifs sont estimés à 150.000. Elles combattent les RSF de Hemeti, estimées à environ 100.000 combattants. Le plan du général Burhan visant à fusionner les deux forces cette année est l’un des facteurs qui a conduit aux combats.
Le général Burhan a reçu une éducation militaire formelle, en faisant ses études premièrement dans un collège militaire soudanais, puis en Jordanie et dans une académie militaire égyptienne. Reuters signale que ceux qui ont rencontré le général le qualifient d’abrupt et de coléreux, avec une répulsion aiguë pour les critiques. En avril 2022, il a menacé d’expulser l’émissaire des Nations unies qui avait fait des commentaires sur le désarroi politique dans le pays, en l’accusant de « mentir de façon flagrante ». Dans un discours de novembre 2022, il a déclaré : « Nous couperons la langue de toute personne qui parle contre l’armée ».
Hemeti veut dire « petit Mohamed », mais M. el-Beshir l’appelait « Himayti », c’est-à-dire « mon protecteur ». Il a environ 49 ans et son éducation formelle est limitée. Al Jazeera signale qu’il a abandonné sa scolarité lorsqu’il avait neuf ans et qu’il est devenu plus tard vendeur de chameaux. Selon des reportages courants, il a été forcé de prendre les armes lorsque des hommes ont attaqué son représentant de commerce, tué 60 membres de sa famille et volé ses chameaux. Il a rejoint les Janjawids, milice constituée principalement de tribus engagées dans le commerce des chameaux et active au Darfour et dans certaines régions du Tchad.
Hemeti a fini par attirer l’attention de M. el-Beshir, qui employait les Janjawids pour attaquer les gens qui se révoltaient contre son régime en 2003 au Darfour. Les Janjawids ont été accusés d’assassinats, de viols et de tortures.
Les RSF, formées de combattants janjawids, ont été créées en 2013 avec Hemeti comme chef. L’intention était de soutenir les forces armées nationales, en plus d’offrir un moyen pour le dictateur de se protéger contre un coup d’État militaire. Hemeti est devenu finalement un favori de M. el-Beshir. Promu au grade de lieutenant-général, Hemeti a été autorisé à saisir des mines d’or de grande valeur au Darfour, ce qui lui a apporté d’immenses richesses personnelles.
« Alors qu’il gagnait en importance, les intérêts commerciaux de Hemeti se sont développés avec l’aide de M. el-Beshir et sa famille a accru ses possessions dans les mines d’or, le bétail et l’infrastructure », déclare à Al Jazeera Adel Abdel Ghafar, directeur du programme de politique étrangère et de sécurité au Conseil du Moyen-Orient sur les affaires mondiales.
On pense que son rival, le général Burhan, est aussi très riche. En tant que chef des SAF, il a accès à un vaste empire commercial qui contrôle des sociétés allant de la construction à la transformation de viande.
Comparées aux forces nationales, les RSF sont mal entraînées et mal équipées. Elles ont traditionnellement mené des opérations de guérilla. Au contraire, les SAF du général Burhan possèdent des pièces d’artillerie de longue portée, des avions chasseurs, des chars d’assaut et des blindés lourds.
Cameron Hudson, analyste au Centre pour les études stratégiques et internationales, déclare à Al Jazeera qu’aucune des deux forces n’est particulièrement équipée pour les combats en cours à Khartoum.
« Les SAF y ont un avantage parce qu’elles connaissent Khartoum, dit-il. En même temps, les SAF ne sont pas mobiles ; elles ne peuvent pas défendre raisonnablement bien leurs positions et elles ne pourront pas poursuivre les RSF dans la ville. »
Mais aucune des deux forces ne semble modifier ses tactiques de combat en fonction de son environnement.
M. Hudson note que les RSF « emploient les mêmes tactiques que nous connaissons avec les Janjawids ; ils pillent, maraudent et saccagent dans les quartiers ».