PERSONNEL D’ADF
Une façon de freiner la pêche illégale pourrait être l’imposition d’amendes aux états de pavillon pour les actes que commettent leurs navires à des milliers de kilomètres de distance.
Un nouveau rapport suggère que les états côtiers devraient envisager de traduire en justice les états de pavillon pour les errements des navires dans leurs eaux. Un état de pavillon est l’état où un navire est enregistré.
Un état côtier est le pays où la pêche a lieu et qui octroie l’autorisation ou le permis de pêche. Si par exemple un navire battant pavillon russe est actif dans la zone économique exclusive du Ghana, la Russie est l’état du pavillon et le Ghana est l’état côtier.
Les partisans de cette approche pensent que l’augmentation de la pression pourrait conduire à des réformes.
« Si les états de pavillon sont responsables pour les actes des navires qui battent leur pavillon, ces états de pavillon devraient être logiquement responsables aussi pour rembourser financièrement les frais liés à la poursuite, l’appréhension, l’arrestation et tous les coûts et les amendes associés du vaisseau de pêche illégal et de son équipage », écrivent la chercheuse Jessica Ford et ses co-auteurs dans le numéro de septembre du journal Fish and Fisheries.
La base du plan des chercheurs a été établie par avis consultatif de 2015 sur la pêche INN émis par le Tribunal international du droit de la mer (TIDM), qui a conclu que l’état du pavillon joue un rôle dans la mise en application des règlements de pêche. Selon cet avis, un état de pavillon pourrait être tenu responsable devant les tribunaux pour ne pas avoir mis en application la réglementation liée à la pêche INN et d’autres crimes en mer. Ceci pourrait faire perdre aux états de pavillon des millions de dollars.
« La responsabilité économique potentielle conséquente devrait inciter les états de pavillon à améliorer leur processus de vérification, leur politique de police et leur surveillance de ces vaisseaux », écrivent les chercheurs.
Mais la question est complexe.
Les bateaux de pêche étrangers sont connus pour « emprunter » les pavillons des pays africains, c’est-à-dire qu’ils emploient les règles locales et les abusent pour inclure le pavillon d’un vaisseau de pêche appartenant à et exploité par une société étrangère dans un registre africain et pour pêcher dans les eaux locales. Ceci aide les propriétaires bénéficiaires du vaisseau à éviter les fardeaux financiers et autre réglementation.
Ces registres en ligne sont ouverts et peu supervisés. Cela veut dire qu’une société de pêche chinoise peut s’enregistrer pour pêcher au Ghana et payer électroniquement les droits d’enregistrement. La Chine, qui cible l’Afrique de l’Ouest depuis les années 80, est le pire contrevenant mondial de la pêche INN, selon l’Indice de pêche INN.
Les efforts de surveillance, contrôle et vigilance sont souvent insuffisants dans les pays africains où la pêche INN est problématique. La pêche illégale décime les stocks de poissons et les moyens de subsistance des travailleurs de la pêche sur le continent.
Par exemple, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone perdent annuellement 2,3 milliards de dollars à cause de la pêche illégale, selon l’Institut pour les études de sécurité.
Le plan pourrait-il fonctionner ?
Steve Trent, président-directeur général et fondateur de l’Environmental Justice Foundation (Fondation pour la justice environnementale), a écrit à ADF dans un e-mail qu’il est d’accord avec les motifs sous-jacents du plan. Toutefois, il n’est pas sûr qu’il soit réalisable à cause des nombreux défis de sécurité maritime sur le continent.
« L’identification, la mise en application et les poursuites liées à la pêche illégale sont très souvent des procédures déjà complexes et prolongées. L’ajout de poursuites judiciaires internationales risquerait de paralyser cela. Il nécessiterait une capacité humaine et juridique que beaucoup d’états en développement ne possèdent tout simplement pas. »
Il déclare qu’il pense qu’un but plus réalisable serait de renforcer les cadres juridiques et la capacité de police dans les pays, d’améliorer les mesures de transparence et de perfectionner la mise en commun des informations aux niveaux régionaux et internationaux. Il dit que ces améliorations limiteraient les options des vaisseaux pratiquant la pêche illégale et permettraient de rejeter les navires battant un pavillon avec lequel ils n’ont pas de connexion légitime.
« Je ne suis pas certain que le potentiel d’une compensation financière par l’intermédiaire de poursuites serait même possible ou suffisant » à cause des défis et des complexités affrontés par beaucoup de pays africains, déclare-t-il.
Duncan Copeland, directeur exécutif de Trygg Mat Tracking, a dit à ADF dans un e-mail qu’il ne pense pas que le plan pourrait être mis en œuvre prochainement.
« Je suggèrerais que la question principale en ce moment est le peu de souhait ou l’effort tout à fait minime de la plupart des états de pavillon pour coopérer avec et assister les états côtiers dans leurs efforts visant à investiguer, poursuivre et imposer des amendes appropriées aux navires battant leur pavillon s’ils participent à des activités illégales. »
Il déclare qu’il pense qu’une plus grande coopération est nécessaire pour tenir les propriétaires bénéficiaires d’un navire responsables pour les activités de ce dernier.
« En toute justice, ce serait les personnes qui perpétuent l’activité illégale qui sont poursuivies [et/ou] sujettes à des amendes », dit-il.