PERSONNEL D’ADF
L’initiative chinoise de la Nouvelle route de la soie (BRI), vaste programme stratégique d’infrastructure, est considérée avec scepticisme depuis son inauguration en 2013.
Au cours des années, le doute a augmenté alors que de nombreux pays en voie de développement ont accepté des prêts à hauteur de plusieurs milliards de dollars qui s’avèrent difficiles à rembourser.
Les preuves de l’approche chinoise sont dispersées en Afrique, où les projets BRI conduisent à des protestations locales et des investigations gouvernementales sur les conditions opaques des emprunts, l’endettement paralysant et le recours de plus en plus grand aux produits, à la main d’œuvre et aux entreprises commerciales de Chine.
Il existe une préoccupation qui a aujourd’hui une plus grande importance : la possibilité que la Chine puisse militariser le secteur portuaire de ses actifs liés à la BRI.
Deux groupes de réflexion ont posé la question : les ports détenus par la Chine pourraient-ils avoir un usage commercial aujourd’hui, et militaire plus tard ? Début septembre, l’Asia Society Policy Institute (ASPI) a publié « Weaponizing the Belt and Road Initiative » [Militarisation de l’initiative de la Nouvelle route de la soie] et le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) a publié « Influence and Infrastructure: The Stakes of Foreign Projects » [Influence et infrastructure : les enjeux des projets étrangers].
Le rapport du CSIS a identifié 46 ports en Afrique subsaharienne qui ont des liens avec la Chine.
« Ces ports sont situés le long de chaque côte, en fournissant à la Chine un accès aux routes maritimes principales et aux points de passage », écrit Judd Devermont, directeur du Programme Afrique du CSIS. « Il existe des indications selon lesquelles Pékin prévoit d’utiliser ces investissements portuaires pour accroître sa portée militaire et politique. »
« Au moins 6 ports énumérés dans ces données ont aussi reçu la visite des navires de la marine chinoise, ou sont des ports civils/militaires à double emploi. 7 des 11 ports gérés par les entreprises chinoises sont en eau profonde, ce qui les rend capables de recevoir non seulement les gros navires commerciaux mais aussi les vaisseaux de guerre. »
À Djibouti, la Chine utilise son influence économique pour promouvoir ses objectifs de sécurité.
La grande majorité de l’endettement extérieur de Djibouti est détenu par des banques chinoises pour les projets BRI. L’un de ceux-ci concerne le port de Doraleh, qui est le plus grand port d’Afrique, dans les eaux les plus profondes. Les banques chinoises contrôlent son exploitation, principalement pour le bénéfice des sociétés chinoises.
Deux mois après la complétion du port, la Chine a ouvert sa première et unique base militaire à l’étranger, seulement à 5 kilomètres à l’Ouest du port. La seule base militaire permanente des États-Unis en Afrique est située à quelques kilomètres au Sud-Est.
En décembre 2018, le Fonds monétaire international (FMI) a envoyé une équipe à Djibouti. Celle-ci a estimé que l’endettement du pays représentait 104 % de son produit national brut. Dans un rapport sur son site Web, le FMI note que la stratégie du pays consistant à investir dans l’infrastructure « a conduit au surendettement, ce qui crée des risques importants. »
De même, il existe une préoccupation croissante selon laquelle le grand endettement du Kenya envers la Chine pourrait conduire à la prise de contrôle par le créancier de deux éléments clés de la BRI : le Standard Gauge Railway (chemin de fer à écartement normal) entre Mombasa et Nairobi et le port en eau profonde de Mombasa.
Ces préoccupations sont partagées en occident : le président d’ASPI Kevin Rudd note « l’appétit apparemment insatiable [de la Chine] pour les ports du monde entier » dans le rapport de sa société.
« Des soupçons spécifiques concernent les ports d’une taille qui apparaît excessive mais qui sont sous-exploités, sur les routes commerciales importantes de l’océan Indien. Ces ports semblent plus adaptés à des bases navales potentielles qu’à des opérations commerciales », écrit-il.