PERSONNEL D’ADF
S’il existe une lueur d’espoir dans les ténèbres du Covid-19, elle pourrait se trouver parmi les éprouvettes et les microscopes des laboratoires de recherche africains.
De Dakar au Cap en passant par Addis-Abeba, la pandémie mondiale a inspiré une explosion sans précédent de recherche parmi la communauté scientifique du continent. Les chercheurs étudient tous les aspects de la pandémie, depuis la compréhension du virus qui cause le Covid-19 jusqu’à la fabrication de trousses de dépistage économiques pour suivre à la piste la propagation.
« Le Covid-19 a en fait joué le rôle de catalyseur, de stimulus », déclare à ADF le Dr Joseph Okeibunor, chef d’équipe de recherche, développement et innovation pour le bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé à Brazzaville (République du Congo). « Chaque pays est engagé dans la recherche d’une solution et essaie de mettre en place une réponse pertinente à la pandémie dans sa juridiction. »
Bien que l’arrivée du Covid-19 ait été tardive en Afrique, les décennies passées à faire face aux épidémies de maladie telles que l’Ebola, le VIH et la polio signifient que de nombreux pays africains (mais pas tous) ont répondu rapidement avec des mesures telles que la recherche des contacts pour ralentir la propagation du virus.
Mais ce n’était pas suffisant pour tuer dans l’œuf cette épidémie. Alors que les pays africains ont mis en place des confinements, les chercheurs ont lancé des projets pour affronter le virus sur de multiples terrains.
- Des chercheurs sud-africains ont commencé leurs premiers essais cliniques de vaccin le 23 juin.
- L’Institut Pasteur du Sénégal a commencé à développer une trousse de dépistage du Covid-19. Son but est un test de dépistage qui coûtera 1 dollar et qui fournira des résultats en 10 minutes.
- L’Université de Zambie s’est efforcée de développer un respirateur corporel pour aider les victimes du Covid-19 souffrant d’un système respiratoire compromis, projet qui a reçu un grand appui financier de la part du gouvernement.
La pression pour trouver une solution au Covid-19 est aussi devenue un catalyseur pour instaurer de meilleures relations entre les communautés scientifiques et les gouvernements nationaux, déclare le Dr Okeibunor.
« On a réalisé soudain qu’on ne pouvait pas avoir de réponse efficace sans preuve raisonnable, déclare le Dr Okeibunor. Pendant longtemps, la recherche était soutenue de façon symbolique. Tous les responsables politiques pontifiaient qu’elle était importante, mais le soutien s’arrêtait là. Même avec un intérêt dans la recherche, vous découvrez qu’il n’existe pas de financement engagé. »
Mais la situation a commencé à changer face au Covid-19.
En Afrique du Sud, le président Cyril Ramaphosa et ses ministres se sont adressés aux scientifiques du pays pour recommander une politique, déclare à Nature Salim Abdool Karim, épidémiologiste et président du comité scientifique consultatif du ministère de la Santé.
« Il existe aujourd’hui une meilleure relation entre les sciences et la politique ; elle est devenue très différente », déclare M. Karim, qui avait participé à la lutte de l’Afrique du Sud contre le VIH/sida. « Ils voulaient savoir ce que nous pensions ; ils ont utilisé notre expérience. »
L’Afrique du Sud est le pays le plus touché du continent, avec environ 60 % de tous les cas positifs et décès dus au Covid-19. C’est aussi le pays qui conduit le plus de tests de dépistage sur le continent.
Des institutions telles que le bureau de l’OMS de Brazzaville et les Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies à Addis-Abeba aident à guider la recherche et à transmettre les informations au public. L’Académie africaine des sciences (AAS) basée à Nairobi facilite les contacts entre les chercheurs de 54 pays à mesure qu’ils développent des priorités de recherche sur le continent.
Un récent sondage conduit par l’AAS de 845 chercheurs, dont 90 % travaillent en Afrique, a découvert que les priorités de recherche incluent la compréhension de l’historique et de la transmission du virus et le développement de tests de diagnostic rapides et économiques qui peuvent être utilisés sur le terrain plutôt qu’au labo.
Le rapport peut servir de guide aux gouvernements sur la façon d’investir dans la recherche et le développement, déclare le Dr Moses Alobo, chef de la réponse de l’AAS au Covid-19, à The Conversation.
La carence de financement national reste le plus grand obstacle pour conduire des recherches significatives, en Afrique pour l’Afrique, déclare le Dr Okeibunor. Bien que les organismes internationaux tels que la fondation Bill-et-Melinda-Gates, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies et les instituts nationaux des maladies financent activement des projets de recherche, les résultats contournent souvent les pays où la recherche est conduite, déclare-t-il.
« Les ressources sont notre problème principal, les ressources locales, le financement local de la recherche, déclare-t-il. Avec le Covid, l’Ouest conduit des recherches pour l’Ouest et le Nord pour le Nord. Le Sud doit conduire ses propres recherches. »
Dans cette perspective, l’avenir de la recherche sur le Covid-19 en Afrique est entièrement entre les mains des Africains, déclare M. Karim.
« Nous avons construit l’embarcation et nous la naviguons, dit-il à Nature. Mais je pense que nous allons réaliser très bientôt que la meilleure protection que nous avons contre ce virus est l’“ubuntu”, mot sud-africain qui signifie “Je suis parce que tu es”. Je suis sécurisé parce que tu es sécurisé. »