PERSONNEL D’ADF
Les médicaments contrefaits, qui prétendent être des produits pharmaceutiques authentiques mais qui peuvent contenir n’importe quoi, depuis les solvants industriels jusqu’à l’eau plate, tourmentent depuis longtemps les pays africains.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les nations africaines reçoivent 42 % de tous les médicaments falsifiés en circulation. Les résultats peuvent être mortels.
Au Nigeria en 2009, un lot falsifié de sirop My Pikin contre le mal de dents, contaminé par un produit chimique utilisé dans le liquide de frein, a tué 84 enfants. Au Cameroun en 2019, des médicaments falsifiés soi-disant contre l’hypertension contenaient du glibenclamide, drogue antidiabétique, au lieu du produit correct pour traiter la pression sanguine élevée. La même année, un vaccin falsifié contre la méningite était en circulation au Niger pendant une campagne pour vacciner les enfants.
Dans toute l’Afrique, au moins 27 pays ont signalé des produits médicaux falsifiés ou de qualité inférieure selon l’OMS, qui estime que près de 170.000 enfants africains sont décédés chaque année à cause de la pneumonie lorsqu’ils prennent des antibiotiques falsifiés. Les médicaments antipaludiques falsifiés tuent près de 160.000 personnes en Afrique subsaharienne.
Le problème est tellement grave au Nigeria que l’Agence nationale pour l’administration et le contrôle des aliments et des drogues du pays a conduit des raids dans les marchés de rue et a demandé au public de signaler les gens qui fabriquent les médicaments illicites.
Le marché pharmaceutique africain, qui enregistre une forte croissance, est estimé à 45 milliards de dollars mais il est vulnérable face aux produits falsifiés ou contrefaits, dont beaucoup viennent de la Chine ou de l’Inde, selon l’OMS. Les falsificateurs bénéficient du fait que les drogues authentiques sont souvent chères et difficiles à obtenir, ce qui incite les résidents des zones pauvres ou rurales à chercher des options plus économiques.
L’épidémie de Covid-19 a donné aux escrocs l’opportunité de promouvoir les fausses cures pour la maladie. En même temps, les budgets modestes des gouvernements ont moins de fonds affectés à la mise en application d’une réglementation qui assure la sécurisation des produits pharmaceutiques.
L’opération Pangea d’Interpol a découvert 2.000 ressources en ligne qui faisaient la publicité d’un « aérosol corona » falsifié, de masques et d’autres traitements prétendus pour le Covid-19.
Les entreprises privées ont relevé le défi pour vérifier que les drogues soient sécurisées et efficaces. Uthabiti Health effectue le suivi des médicaments en utilisant un processus qui ajoute un identifiant à chaque colis, ce qui permet à la société de suivre leurs mouvements dans la chaîne d’approvisionnement.
« La science pharmaceutique est au cœur des soins de santé ; une seule erreur dans toute composition ou formulation de drogue pourrait mettre en danger un grand nombre de personnes », déclare Towett Ngetich, PDG de Uthabiti Health (société pharmaceutique basée au Kenya), à Forbes Africa. « Le besoin d’accès à des produits de santé sécuritaires et de bonne qualité à des prix abordables est tout simplement une question de vie ou de mort en ce qui concerne les problèmes de santé diagnostiqués. »
Au Nigeria, Vivian Nwakah a fondé Medsaf en 2017 pour aider les installations de soins de santé à acheter des médicaments authentiques. La société vérifie les fabricants de drogue avant d’afficher leurs produits sur son site. Mme Nwakah déclare qu’elle a été inspirée pour créer Medsaf par la mort d’une amie qui avait pris un médicament antipaludique falsifié.
« Ceci m’a ouvert les yeux sur ce qui se passe, lorsque les Nigérians sont actuellement résignés au fait qu’ils pourraient ne pas obtenir un vrai médicament lorsqu’ils se rendent à la pharmacie ou à l’hôpital », déclare Mme Nwakah à Business Day. « Il n’est pas juste que les Africains acceptent le fait qu’ils pourraient ne pas avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin pour survivre vie. Quelqu’un doit défendre cela. »
Les gouvernements ont augmenté leurs efforts pour bloquer les médicaments falsifiés en 2020.
En janvier, le Sénégal, la Gambie, le Ghana, le Niger, la République du Congo, le Togo et l’Ouganda ont signé l’initiative de Lomé qui criminalise le trafic des médicaments illégaux. Ce même mois, les responsables ont détruit plus de 7 tonnes de médicaments falsifiés à Libreville (Gabon). Un mois plus tard, le Burkina Faso a saisi 3 tonnes de drogues falsifiées.
Toutefois, les gouvernements nationaux en difficulté financière se retrouvent le plus souvent du côté perdant.
« La lutte contre le trafic des médicaments falsifiés est un combat asymétrique », déclare le Dr Barira Dan Nouhou, directrice de Pharmacie et Médecine traditionnelle du Niger, à Africa Report. « Nous travaillons dur, avec des ressources humaines limitées, face à un trafic hautement organisé. »