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Un tribunal kényan juge qu’un contrat de chemin de fer chinois a été conclu illégalement

PERSONNEL D’ADF

La Cour d’appel du Kenya a jugé qu’un contrat de 3,2 milliards de dollars concernant le nouveau Standard Gauge Railway (SGR, chemin de fer à écartement normal) entre Mombasa et Nairobi avait été conclu illégalement.

La société de chemin de fer Kenya Railways avait accordé le contrat à la China Road and Bridge Corp. à la suite d’un protocole d’accord en date de 2011. Trois ans plus tard, l’activiste kényan des droits civiques Okiya Omtatah et le barreau du Kenya (principale association de juristes du pays) avaient intenté des poursuites dans le but d’arrêter la construction liée au projet, en déclarant que la société chinoise avait remporté le contrat sans suivre la procédure publique correcte d’appel d’offres.

Un tribunal avait ordonné le non-lieu de l’affaire en 2014 et la construction s’était poursuivie. En juin 2020, les juges de la Cour d’appel ont jugé que la procédure d’appel d’offres avait enfreint l’Article 227 de la Constitution du Kenya.

Ledit article déclare que les marchés publics doivent être conclus selon une procédure qui est « juste, équitable, transparente, concurrentielle et économique ».

La cour a jugé que la soumission n’avait pas été sujette à un appel d’offres public, ce qui veut dire que les autres soumissionnaires qualifiés potentiels n’avaient pas été autorisés à accéder au marché.

Global Construction Review a signalé que la cour avait aussi jugé que le contrat enfreignait la loi kényane sur les achats publics et la cession des actifs, qui garantit l’ouverture des appels d’offres des entreprises publiques.

Le chemin de fer fait partie du projet chinois ambitieux de la Nouvelle route de la soie, qui vise à construire une infrastructure à l’échelle mondiale financée par la Chine. Depuis l’épidémie mondiale de Covid-19, de nombreux pays ont dû trouver un équilibre entre le paiement de leurs dettes chinoises et la protection de leur économie et de la santé de leurs habitants.

Les 485 premiers kilomètres du projet de chemin de fer ont été mis en service en 2017. La deuxième phase, concernant une voie ferrée de 190 kilomètres reliant Nairobi à Naivasha, a été complétée en octobre 2019. La réalisation de l’extension vers Malaba à la frontière avec l’Ouganda est prévue pour 2021. Cette dernière phase concerne la mise à niveau d’une voie ferrée dont l’écartement est de 1 m. Elle ne sera pas effectuée par un maître d’œuvre chinois.

L’écartement est la distance entre les deux rails d’une voie ferrée. Un écartement de 1 m signifie que les rails sont séparés par une distance de 1 m. Le chemin de fer kényan à écartement de 1 m est obsolète et en mauvais état. Le nouveau chemin de fer possède un écartement de 1.435 mètre.

Les deux voies ferrées relient Mombasa, ville portuaire principale du Kenya, à l’intérieur du pays et traversent la capitale de Nairobi.

  1. Omtatah affirme dans son procès de 2014 que le contrat vise un « fournisseur unique ». Sa pétition indique que le projet est une « entreprise financée à 100 % par le Kenya », et que les contribuables kényans sont ceux qui doivent payer la facture, selon le reportage de WION, le service d’information basé en Inde.

On estime que le projet coûtera 3,5 milliards de dollars, dont 90 % financé par l’Exim Bank of China sous forme de deux prêts de 1,6 milliard chacun. Business Daily Africa signale que la banque Exim a accordé les prêts sous réserve de la nomination d’un maître d’œuvre chinois pour construire et gérer la voie ferrée, ce qui veut dire que le contrat ne pouvait pas faire l’objet d’un appel d’offres public.

La Chine a donné au Kenya une période de grâce de 5 ans, pendant laquelle le Kenya devait seulement payer les intérêts du prêt, avant de commencer à rembourser le coût du projet. Cette période de grâce a pris fin en janvier 2020. Business Daily Africa signale aussi que, du fait de la fin de la période de grâce, les paiements kényans augmenteraient de 130 %.

Jusqu’à présent, les revenus produits par le transport des passagers et du fret sur la nouvelle voie ferrée n’ont pas défrayé les coûts opérationnels. Il est estimé que l’opération du chemin de fer coûte 14 millions de dollars par mois, mais qu’elle produit seulement des revenus mensuels de 7,9 millions.

Le taux d’intérêt du prêt est 3,6 points de pourcentage de plus que la moyenne sur 6 mois du taux LIBOR (taux interbancaire offert à Londres), qui est un taux international de référence. Le prêt doit être remboursé sur une période de 15 ans.

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