De nouvelles sanctions visent un financier russe pour son interférence au Soudan

PERSONNEL D’ADF

Le département du Trésor des États-Unis a annoncé de nouvelles sanctions ciblant Evgueni Prigojine, financier russe ayant une portée mondiale. Proche collaborateur du président Vladimir Poutine de Russie, il est accusé d’essayer de réfréner les réformes démocratiques du Soudan en échange de l’accès aux ressources naturelles.

2020. Prigojine dirige l’Internet Research Agency qui propage la désinformation sur les réseaux sociaux, au nom des intérêts commerciaux et politiques russes. Le gouvernement des États-Unis avait ciblé les actifs matériels de M. Prigojine en 2018 à cause de ses efforts visant à influencer les élections américaines de 2016 et 2020. La nouvelle cible concerne ses opérations au Soudan, à Hong Kong et en Thaïlande.
2021. Prigojine, qui avait passé 9 ans dans une prison russe pour vol qualifié et autres plaintes, est accusé d’« exploiter les ressources naturelles du Soudan pour un gain personnel et de propager sa mauvaise influence dans le monde », déclare Steven Mnuchin, secrétaire du Trésor des États-Unis. « Les États-Unis restent engagés à le tenir responsable, lui et les autres personnes malveillantes, pour que le Soudan et les autres pays puissent agir librement. »
2022. Prigojine, âgé de 59 ans, est accusé en outre d’avoir essayé de renforcer le gouvernement autoritaire du président Omar el-Beshir, qui gouverna le pays pendant 30 ans avant d’être renversé en 2019. Pendant qu’il était au pouvoir, M. el-Beshir avait échangé du pétrole, du gaz naturel, des produits agricoles et de l’or soudanais contre l’assistance militaire et la coopération économique de la Russie, selon les États-Unis. Depuis sa destitution, M. el-Beshir a été reconnu coupable de corruption et il est recherché par la Cour pénale internationale.

Les sanctions américaines contre M. Prigojine ne sont pas simplement symboliques, selon Suliman Baldo, conseiller principal auprès de The Sentry (groupe d’investigation et de politique qui recherche l’argent lié aux crimes de guerre).

« La réputation… de toute entité sanctionnée par les États-Unis est énormément affectée parce que ces sanctions conduisent au gel de ses comptes et de ses biens sujets à la juridiction américaine », déclare M. Baldo à Voice of America (VOA). « Elles conduisent aussi à la radiation par les organismes financiers internationaux et [empêchent] les sociétés internationales de faire des affaires avec une entreprise sanctionnée par le département américain du Trésor, parce que cela pourrait avoir des conséquences pour ces sociétés en vertu du droit américain. »

Depuis un an, les observateurs avertissent que M. Prigojine pourrait utiliser M-Invest, un organisme russe, pour torpiller la transition conduite par les civils vers un gouvernement démocratique au Soudan. Les responsables américains déclarent que M-Invest sert de couverture pour PMC Wagner, qui avait aidé M. el-Beshir à réprimer les protestataires grâce à des campagnes de désinformation et des menaces de violence.

1. Baldo déclare que M-Invest avait recommandé à M. el-Beshir « de créer un système complet de fausse propagande pour discréditer les chefs des manifestations populaires en faveur de la démocratie, et lui avait aussi recommandé d’organiser des exécutions publiques. »

Lors d’une conférence au sommet en 2017, la Russie et le gouvernement el-Beshir ont autorisé M-Invest à explorer des sites d’exploitation aurifère au Soudan. Meroe Gold, filiale de M-Invest, supervise ces activités ; Meroe Gold est aussi une cible du département du Trésor des États-Unis, tout comme deux de ses opérateurs clés.

1. Baldo déclare à VOA que Meroe Gold est toujours active dans le secteur de l’exploitation aurifère au Soudan, en recevant une rémunération du Soudan « comme paiement pour ses services de sécurité continus pour le bénéfice des forces armées, des unités de renseignement et des forces de soutien rapide soudanaises. Ces dernières forment un groupe paramilitaire parallèle à l’armée nationale. »

Mais M. Baldo déclare qu’il doute que le gouvernement actuel du Soudan continuera pendant longtemps à travailler en partenariat avec une « société ayant une réputation aussi mauvaise » que Meroe Gold.

2016. Prigojine est un ancien opérateur de stand de hot-dogs qui a fini par ouvrir un restaurant haut de gamme et qui est devenu l’ami de M. Poutine, au point qu’on l’appelle « le chef cuisinier de Poutine ». Il semblait indifférent en 2018 lorsqu’on lui avait demandé de commenter sur la possibilité d’être inculpé par les États-Unis pour interférer dans les élections présidentielles de 2016.

« Je ne suis pas du tout déçu » par cette inculpation, a-t-il déclaré, selon The Guardian. « S’ils veulent voir le diable, qu’ils le fassent. »