Africa Defense Forum

Malgré l’accroissement de la pression, les Africains qui vivent en Chine déclarent que la discrimination continue

PERSONNEL D ’ADF

Frank Nnabugwu, homme d’affaires nigérian vivant à Canton (Chine), avait été libéré après deux semaines passées en quarantaine, lorsqu’il apprit qu’il n’avait plus de foyer. On lui avait interdit de retourner dans la résidence qu’il avait louée.

« Les gardes de sécurité nous ont dit : “les étrangers ne sont pas admis”. Cela m’a bouleversé, vraiment bouleversé. J’ai dormi dans la rue », a déclaré M. Nnabugwu au Guardian. C’est l’un des 14.000 Africains, pour la plupart étudiants ou entrepreneurs, qui sont estimés vivre à Canton.

La police trouva finalement un hôtel qui accepta de lui louer une chambre.

« Nous utilisons la réceptionniste pour commander de quoi manger, déclare-t-il. Si [les entreprises de livraison de nourriture] savent que c’est un étranger qui commande la nourriture, elles ne viendront pas. Vous ne pouvez rien acheter dans un magasin. Si vous entrez, ils couvrent leur visage et vous chassent. »

En avril, lorsque les bulletins d’actualité et les vidéos des réseaux sociaux montrant le traitement discriminatoire des Africains vivant en Chine sont apparus, les responsables de toute l’Afrique et du monde entier ont répondu avec dégoût.

Bien que les responsables chinois aient assuré les gouvernements africains que ce traitement raciste prendrait fin, les Africains vivant à Canton, troisième ville de Chine, signalent qu’ils sont toujours expulsés de leur foyer, forcés à subir des dépistages du coronavirus et empêchés d’entrer dans les hôtels, les magasins et les restaurants.

Une Ougandaise a déclaré à BuzzFeed que les employés d’un commerce de proximité 7-Eleven ont verrouillé la porte lorsqu’elle a essayé d’entrer et ont commencé à pulvériser du désinfectant dans tout le magasin. Finalement, ils ont à peine entrouvert la porte pour vaporiser du désinfectant sur ses pieds. Elle avait faim et s’est rendue chez un McDonald’s voisin, mais elle s’est vue refuser l’entrée. Dans un supermarché, on lui a dit « vous êtes étrangère, vous n’êtes pas autorisée à être ici ».

Cette femme, qui fournit seulement son premier nom, Darasa, afficha une vidéo sur Facebook dénonçant ce traitement « super raciste ». Par la suite, deux groupes d’officiers de police lui ont rendu visite dans son hôtel. Ils ont exigé qu’elle supprime la vidéo. Ils lui ont aussi donné un masque facial, un désinfectant pour les mains et des sachets de thé.

« Nous sommes dans leur pays, aussi peuvent-ils toujours faire ce qu’ils veulent avec nous », a-t-elle déclaré.

Une autre vidéo virale montre un diplomate éthiopien empêché d’accéder à un centre commercial de Canton, selon The Reporter, journal éthiopien qui a publié un éditorial cinglant en réponse aux cas comme celui-ci concernant le mauvais traitement des Africains par les Chinois.

« Il est curieux qu’aucun de ces exemples de mauvais traitement n’ait été signalé pour faire l’objet d’investigations et de poursuites par les autorités chinoises, déclare l’éditorial. Pourtant, ils fournissent une preuve claire qu’un bon nombre de Chinois ont une attitude hostile vis-à-vis des Africains. »

Les autres groupes d’étrangers de Canton n’ont pas été sujets à un traitement similaire.

« Les autorités chinoises prétendent qu’elles ont une “tolérance zéro” pour la discrimination, mais ce qu’elles font contre les Africains à Canton est un exemple classique de celle-ci », déclare Yaqiu Wang, chercheur spécialiste de la Chine chez Human Rights Watch. « Pékin devrait investiguer immédiatement et tenir responsables tous les officiels et autres instigateurs de ce traitement discriminatoire. »

Carine Kaneza Nantulya, directrice de la mobilisation pour l’Afrique chez Human Rights Watch, exhorte les gouvernements africains à faire pression sur la Chine pour qu’elle prenne des mesures qui empêcheront une discrimination future, et « pour qu’elle entreprenne des investigations promptes et transparentes afin de tenir responsables tous les instigateurs des pratiques discriminatoires ».

En Afrique, plus de 300 groupes des droits humains et près de 1.800 activistes ont envoyé une lettre ouverte à Moussa Faki, président de la commission de l’Union africaine, demandant des « mesures correctives immédiates » ciblant le « traitement xénophobe, raciste et inhumain des Africains en Chine ».

« Les Africains ont été soumis à 14 jours de quarantaine, bien qu’ils n’aient pas voyagé hors de leur juridiction, qu’ils ne soient pas venus en contact avec des personnes infectées, et qu’ils n’aient pas eu de contacts étroits ni présenté de symptômes du Covid-19, indique la lettre. Ce traitement constitue une violation des lois et des principes internationaux liés aux droits humains. Il est inhumain et viole tous les principes de dignité et d’humanité commune qui devraient guider idéalement les relations entre la Chine et l’Afrique. »

  1. Faki a discuté de cette question lors d’un appel téléphonique du 13 avril avec le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, et a déclaré qu’il avait reçu l’assurance que la Chine prenait des mesures pour améliorer la situation des Africains. Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, nie que les étrangers sont traités inéquitablement.

« Tous les étrangers sont traités de la même façon, déclare M. Zhao Lijian. Nous rejetons le traitement différencié et nous avons une tolérance zéro pour la discrimination. »

Mais sur les réseaux sociaux le hashtag #blackchina progresse parmi les Africains enragés par la discrimination.

Peter Kariuki, utilisateur de Twitter, exhorte les responsables africains à établir un plan pour sauver les Africains qui souffrent en Chine. « Que les Africains soient bien traités en Chine, écrit-il. Nous ne pouvons pas continuer à les ménager simplement parce que nous sommes leurs débiteurs. Il faut élever notre voix. »

Dans une lettre ouverte publiée à grande échelle et adressée au président chinois Xi Jinping, Arikana Chihombori-Quao, présidente de l’Institut de développement de la diaspora africaine, lui a demandé de « mettre une fin immédiate au harcèlement, à l’intimidation et au traitement inhumain infligés à nos frères, nos sœurs, nos fils et nos filles d’Afrique qui vivent dans votre pays. »

« La limite a été franchie, écrit-elle, et ça suffit maintenant ! Nous exigeons une réciprocité immédiate. Les Chinois doivent traiter les Africains vivant en Chine de la façon dont ils voudraient que leurs propres ressortissants soient traités en Afrique. »

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