Cette maladie transmise par les moustiques est un problème pour le continent, mais un programme va équiper les forces armées d’Afrique pour la combattre
Un agent insidieux et incapacitant a attaqué le minuscule pays du Burundi, dans la région africaine des Grands Lacs.
Depuis le début 2015, 16,8 millions de cas de paludisme ont été signalés dans le pays, selon l’Organisation des Nations unies. Plus de 7.800 personnes sont mortes durant cette période, et beaucoup plus pourraient être sujettes à des rechutes et des maladies pour le reste de leur vie, selon la souche du virus et le niveau de traitement qu’elles ont reçu.
La crise, qui est désignée épidémie par les autorités, est un coup sévère pour une nation déjà ébranlée par les troubles politiques résultant de la poursuite par le président Pierre Nkurunziza d’un troisième mandat en 2015. Des centaines de milliers de Burundais ont fui le pays pour échapper à la violence et aux abus des droits humains.
Le Dr Josiane Nijimbere, ministre de la Santé publique, a déclaré à The East African que l’épidémie de cette maladie transmise par les moustiques peut être due à une augmentation de la superficie des rizières et à une mauvaise utilisation des moustiquaires de protection.
Le changement climatique a aussi exacerbé ce problème. « Il existe un lien étroit entre le paludisme et les températures chaudes, ce qui conduit à une forte augmentation des cas de paludisme du fait de la propagation des moustiques », déclare Mme Nijimbere à des journalistes en mars dernier, selon Voice of America.
UN PROBLÈME À L’ÉCHELLE CONTINENTALE
Le Burundi n’est pas seul. Le paludisme est un problème majeur dans les pays du continent, depuis le Ghana jusqu’à l’Éthiopie, et pratiquement partout ailleurs.
Quatre espèces parasites principales causent le paludisme et sont propagées d’une personne à l’autre par les moustiques anophèles femelles. Deux parasites, P. falciparum et P. vivax, constituent la menace la plus importante sur la santé des humains en Afrique. P. falciparum est le plus répandu et le plus mortel.
La prévention du paludisme provient principalement de l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide (ITN) et de la pulvérisation des intérieurs pour éloigner les moustiques des personnes, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est traité par des médicaments pour empêcher l’infection, et par un diagnostic et un traitement rapides pour ceux qui deviennent infectés. S’il est décelé de façon précoce et traité rapidement avec les médicaments appropriés, le paludisme peut souvent être guéri.
Malgré ces techniques préventives et ces traitements, l’épidémie du Burundi est le signe d’une menace persistante en Afrique. La plupart du continent est menacée par le paludisme et la maladie y affecte toujours des millions de personnes chaque année. L’OMS estime qu’en l’an 2000, il y avait 214 millions de cas de paludisme en Afrique seulement, provoquant 764.000 décès.
Bonne nouvelle : en 2015, le nombre de cas et le nombre de décès étaient tombés respectivement à 191 millions et 394.000, selon un rapport de l’OMS. C’est une baisse de 48 pour cent du nombre de décès, due en grande partie à l’utilisation croissante des ITN. Malgré ces améliorations, le paludisme reste la principale préoccupation de santé dans le continent, dépassant de loin même l’Ebola, qui est mortel mais comparativement rare.
Le Cap-Vert, l’île Maurice et la Tunisie ont fait d’importants progrès au cours des années en vue d’éliminer le paludisme chez eux, mais un grand effort reste nécessaire sur l’ensemble du continent.
Le major Joseph Tamba Gayflor, commandant de la section médicale des forces armées du Liberia (AFL), a déclaré par e-mail à ADF que le paludisme est une raison majeure pour les visites en consultation externe aux centres médicaux des AFL. « Beaucoup de soldats doivent quitter leurs fonctions à cause d’une maladie liée au paludisme », déclare-t-il. « La maladie affecte principalement les familles, notamment les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Elle affecte aussi l’état de préparation psychologique des soldats, qui les empêche de se concentrer sur leur mission. En outre, lors des opérations de maintien de la paix, le paludisme est la cause principale de morbidité. »
Les AFL éduquent les soldats et les familles sur la façon de prévenir le paludisme en utilisant des ITN et des médicaments antipaludéens, déclare le major Gayflor.
Il existe un programme qui aide les experts des pays africains à développer leurs propres compétences pour diagnostiquer rapidement et correctement le paludisme et mieux identifier les vecteurs qui le transmettent, et transmettent d’autres maladies.
LA FORCE OPÉRATIONNELLE ANTIPALUDÉENNE AFRICAINE
En 2011, des dirigeants expérimentés de cinq pays d’Afrique de l’Est se sont réunis à Stuttgart, en Allemagne, pour un symposium des médecins militaires sur le paludisme, parrainé par l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique. Ces dirigeants du Burundi, du Kenya, du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda ont discuté des stratégies pour traiter le paludisme et ont demandé le partage des informations au niveau tactique. La discussion s’est concentrée sur les diagnostics et les questions entomologiques telles que la surveillance des vecteurs et l’identification des moustiques. Depuis lors, deux autres pays, Djibouti et le Soudan du Sud, les ont rejoints en Afrique de l’Est.
Deux ans plus tard, des efforts identiques ont démarré en Afrique de l’Ouest avec le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, le Liberia, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Togo. Depuis lors, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone les ont rejoints dans cette région.
La force opérationnelle antipaludéenne africaine (AMTF) a parrainé 17 rencontres entre 2011 et mars 2017, notamment des symposiums de diagnostics et entomologiques. Un symposium de diagnostics au Ghana a réuni 18 pays africains, qui ont chacun envoyé deux participants. Les formations de diagnostic de deux semaines comprennent des laboratoires de terrain improvisés avec des trousses d’essai, des microscopes, des ordinateurs et des projecteurs. À la suite d’un test préliminaire d’évaluation des connaissances, les participants étudient la microscopie de base et les techniques de diagnostic de base et avancées. Ils apprennent les étapes du diagnostic du paludisme et comprennent les similarités et les différences avec d’autres maladies transmises par vecteur. Les participants reçoivent un livret et une diathèque sur CD-ROM pour qu’ils puissent se reporter aux images lorsqu’ils rentreront chez eux. Ils forment souvent leurs propres réseaux sociaux et partagent des informations longtemps après la fin des sessions.
Au cours des sessions de deux semaines sur le partage des informations entomologiques, les participants se rendent sur le terrain pour collecter des insectes et des arachnides en traînant un chiffon blanc dans la végétation. Les participants piègent aussi des moustiques et les identifient pour déterminer les vecteurs de maladie qui pourraient exister. L’identification correcte des vecteurs peut faciliter le diagnostic, même si les équipements perfectionnés ne sont pas disponibles.
Si par exemple une personne présente des symptômes similaires à ceux du paludisme, mais que les moustiques porteurs de la maladie n’ont pas été trouvés dans la région, cela donne une indication pour considérer d’autres maladies provoquant des symptômes similaires.
L’AMTF essaie aussi de rencontrer une fois par an les chefs expérimentés pour parler de ce qui se passe lors des événements tactiques. Elle demande leurs suggestions sur la façon d’améliorer les symposiums et sollicite des conseils concernant les événements futurs. Cela donne aux hauts fonctionnaires des pays participants l’opportunité de contribuer au programme et de personnaliser les informations en fonction des besoins de leurs effectifs.
Le major Gayflor a déclaré que les AFL avaient participé à des événements de l’AMTF au Ghana, au Kenya et au Nigeria. Jusqu’à présent, cinq membres des AFL ont participé aux sessions de diagnostic et d’entomologie, aux sessions cliniques et à celles pour les techniciens de laboratoire. Les forces libériennes ont acquis des stratégies de prévention et échangé des idées avec le personnel d’autres pays. « Il est nécessaire que l’AMTF continue son soutien concernant la formation et l’équipement des forces armées pour combattre la maladie », déclare-t-il.
AU-DELÀ DES FORCES ARMÉES
En 2018, l’AMTF prévoit d’offrir des sessions de questions-réponses entre les événements, pour aider les participants à maintenir leurs compétences. Les organisateurs enverront des tests et des lames en milieu d’année et recevront des réponses. Si les tests indiquent que les compétences ne sont pas maintenues, les participants pourront obtenir de l’aide avant de participer à un autre événement de partage des informations.
Les sessions de partage des informations concernent principalement le personnel militaire. Elles aident à assurer l’état de préparation des forces armées pour prévenir, diagnostiquer et traiter le paludisme parmi leurs effectifs. Elles aident aussi à maintenir des forces armées robustes et saines qui sont prêtes à répondre lorsque nécessaire. Mais le programme a aussi un but civil. Dans un grand nombre de pays africains, les forces armées soutiennent la population civile du pays. Les organisateurs savent qu’en munissant les forces armées africaines des moyens de diagnostiquer et de traiter le paludisme, la population vivant près des camps militaires va bénéficier.
Les techniques échangées lors des sessions AMTF offrent aussi un autre avantage précieux : elles peuvent être utilisées pour un grand nombre de maladies transmises par vecteur. Un certain nombre de maladies propagées par les moustiques proviennent de l’Afrique : le paludisme, la fièvre jaune, la dengue, le virus du Nil occidental et le virus Zika.
Les risques potentiels de ces menaces additionnelles transmises par vecteur ont été soulignés fin 2015 et début 2016. Une épidémie de fièvre jaune fut décelée en Angola en décembre 2015 et cette maladie virale se propagea dans l’ensemble du pays et en République démocratique du Congo (RDC) en mars 2016, selon un rapport de l’OMS. L’Angola signala 4.306 cas suspects et la RDC 2.987 cas suspects. En tout, environ 400 personnes sont décédées.
« Oui, le paludisme est une menace importante, mais il y en a d’autres », déclare le major de l’Armée de l’air américaine Antonio Leonardi, officier de la santé publique de l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique. « Vous ne savez pas ce qu’elles sont tant que vous ne commencez pas à les chercher, et le processus est toujours le même. »
LE KENYA, LE GHANA ET LE MALAWI CHOISIS POUR LES ESSAIS D’UN VACCIN CONTRE LE PALUDISME
THE ASSOCIATED PRESS
Trois pays africains ont été sélectionnés pour mettre à l’essai le premier vaccin antipaludéen au monde, a annoncé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 24 avril 2017. Le Ghana, le Kenya et le Malawi fourniront en 2018 ce vaccin injectable à des centaines de milliers de jeunes enfants qui sont sujets aux risques mortels les plus élevés.
Le vaccin, dont l’efficacité est partielle, pourrait sauver des dizaines de milliers de vies s’il est utilisé avec les mesures existantes, selon le Dr Matshidiso Moeti, directeur régional de l’OMS pour l’Afrique. Pour les pays pauvres, il reste à savoir s’ils pourront fournir à chaque enfant les quatre doses de vaccin requises.
Le paludisme reste l’un des problèmes de santé les plus tenaces du monde. Il infecte plus de 200 millions de personnes chaque année et tue environ un demi-million, dont la plupart sont des enfants africains. Les moustiquaires de lit et les insecticides offrent la meilleure protection.
Un effort antipaludéen mondial a conduit à une réduction des décès de 62 pour cent entre 2000 et 2015, déclare l’OMS. Mais cette agence des Nations unies a déclaré précédemment que de telles estimations sont surtout basées sur des modèles et que ces données sont peu fiables pour 31 pays d’Afrique, notamment ceux que l’on croit touchés par les pires épidémies, à tel point qu’elle ne pouvait pas préciser si la fréquence des cas a augmenté ou baissé au cours des 15 dernières années.
Le vaccin sera mis à l’essai pour les enfants de 5 à 17 mois, afin de déterminer si les effets protecteurs indiqués jusqu’à présent lors d’essais cliniques peuvent être maintenus dans des situations réelles. Dans chacun des trois pays, 120.000 enfants au moins recevront le vaccin, dont le développement a nécessité des dizaines d’années et des centaines de millions de dollars.
Le Ghana, le Kenya et le Malawi ont été choisi pour ce projet pilote parce qu’ils ont tous les trois des programmes robustes de prévention et de vaccination, mais qu’ils continuent à enregistrer une forte incidence de cas de paludisme, selon l’OMS. Les pays livreront le vaccin par l’intermédiaire de leurs programmes de vaccination existants.
L’OMS espère éliminer le paludisme en 2040, malgré les problèmes d’augmentation de la résistance aux médicaments et aux insecticides utilisés pour tuer les moustiques.
« La lenteur des progrès dans ce domaine est étonnante, étant donné que le paludisme existe depuis des millénaires et qu’il a été un facteur principal dans l’évolution humaine par sélection, en façonnant les profils génétiques des populations africaines », écrit Kathryn Maitland, professeur des maladies infectieuses tropicales infantiles au Collège impérial de Londres, dans le New England Journal of Medicine en décembre 2016. « Comparez cette évolution avec nos progrès concernant le traitement du VIH, maladie que nous connaissons depuis un peu plus de trente ans seulement. »
La société pharmaceutique GlaxoSmithKline a développé le vaccin antipaludéen. La première phase du projet pilote, d’un coût de 49 millions de dollars, est financée par une alliance mondiale réunissant GAVI, UNITAID et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
LES MALADIES PROPAGÉES PAR LES MOUSTIQUES EN AFRIQUE
Les maladies vectorielles sont transmises par la piqûre d’un insecte ou d’un arachnide comme les moustiques, les tiques et certaines espèces de mouche. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les moustiques propagent un certain nombre de maladies en Afrique, notamment les maladies suivantes :
DENGUE :
La dengue prédomine dans les tropiques ; elle est endémique dans plus de 100 pays d’Afrique, des Amériques, de la Méditerranée orientale, de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental. Le nombre de cas en Afrique est inconnu mais les régions des Amériques, de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental sont les plus affectées.
SYMPTÔMES : Ce virus transmis par les moustiques a quatre souches. Il provoque des symptômes graves, similaires à ceux de la grippe, et peut être mortel. Les gens peuvent se rétablir et devenir immunisés contre la souche qui les a infectés.
VECTEUR : Le moustique Aedes aegypti
FIÈVRE JAUNE :
Ce virus est endémique dans 33 pays africains et 11 pays sud-américains. Une épidémie qui avait commencé en Angola en décembre 2015 s’est propagée dans la République démocratique du Congo.
SYMPTÔMES : Les symptômes peuvent inclure la fièvre subite, la céphalée intense, les douleurs musculaires, la nausée, le vomissement et la fatigue. Après une courte rémission, un petit pourcentage de patients présentent des symptômes graves tels que la fièvre aiguë, la jaunisse, l’hémorragie et, finalement, la défaillance des organes.
VECTEUR : Les moustiques de la famille des Aedes ou Haemagogus
VIRUS ZIKA :
Les épidémies de ce virus transmis par les moustiques se sont manifestées en Afrique, aux Amériques, en Asie et dans les pays en bordure du Pacifique. Depuis 2007, soixante-et-dix pays et territoires ont fourni des preuves de la transmission du Zika.
SYMPTÔMES : Les symptômes peuvent inclure la fièvre légère, l’éruption cutanée, la conjonctivite, les douleurs musculaires et d’articulation, le malaise ou les maux de tête. Le Zika peut provoquer la microcéphalie et le syndrome de Guillain-Barré.
VECTEUR : Principalement transmis par les moustiques de la famille Aedes
CHIKUNGUNYA :
Le chikungunya a été identifié dans plus de 60 pays et on le retrouve surtout en Afrique, en Asie et dans le sous-continent indien. Toutefois, une épidémie affecta plusieurs pays des Amériques en 2015.
SYMPTÔMES : Le chikungunya provoque l’arrivée subite de la fièvre, qui s’accompagne souvent de douleurs d’articulation, de douleurs musculaires, de maux de tête, de nausée, de fatigue et d’éruptions. Les douleurs d’articulation peuvent être intenses et durer plusieurs semaines. La maladie a des caractéristiques cliniques similaires à la dengue et au Zika. La plupart des patients se rétablissent, mais les douleurs d’articulation peuvent persister à long terme. Des problèmes des yeux ou du cœur, ou des troubles neurologiques ou gastro-intestinaux surviennent parfois.
VECTEUR : Les plus fréquents sont des moustiques femelles de la famille Aedes aegypti ou Aedes albopictus
VIRUS DU NIL OCCIDENTAL :
Environ 80 pour cent de toutes les personnes qui contractent la maladie du virus du Nil occidental ne présentent jamais de symptômes, mais il peut provoquer une maladie neurologique mortelle. Ce virus peut provoquer une maladie grave et la mort chez les chevaux. Des vaccins sont disponibles pour les chevaux, mais pas pour les humains. Les oiseaux sont les hôtes naturels du virus du Nil occidental.
SYMPTÔMES : Fièvre, maux de tête, fatigue, douleurs corporelles, nausée et vomissement, parfois accompagnés d’une éruption cutanée et d’une enflure des ganglions lymphatiques.
VECTEUR : Moustiques Culex, notamment le Culex pipiens
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