Des unités spéciales d’Afrique de l’Ouest réunissent les agences pour partager les informations et les ressources
PERSONNEL D’ADF
L Afrique est un point de transit dans un réseau mondial de trafic des stupéfiants qui canalise la cocaïne et d’autres drogues vers l’Europe. Les stupéfiants entrent en Afrique de l’Ouest, habituellement en provenance du Brésil, et sont amenés vers un pays comme le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana et le Nigeria. De là, le produit est transporté par air, terre et mer à sa destination finale.
Une expédition majeure de stupéfiants interceptée au Mali en 2016 a suivi ce modèle. L’investigation commença en mai 2016 lorsque l’Office central des stupéfiants (OCS) du Mali confisqua 2,7 tonnes de cannabis à Bamako. Les autorités arrêtèrent aussi plusieurs personnes à Bamako et à Accra, au Ghana, le lieu de provenance des stupéfiants, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Les officiels ont découvert les stupéfiants dans un véhicule dont le conducteur était payé 230 dollars par voyage entre les deux capitales, ce qui était bien supérieur au salaire mensuel régional. L’investigation a continué et en octobre 2016 les autorités maliennes ont arrêté le chef présumé du réseau de drogue. Les agents de l’OCS et d’une agence homologue du Sénégal ont partagé leurs informations, ce qui a conduit à cette arrestation à Niamey, au Niger.
Les autorités ont attribué leur succès de démantèlement du réseau à deux facteurs : le partage des informations et la formation continue. Les experts conviennent que le succès dépendra largement de la capacité des pays africains à mettre en œuvre ces deux facteurs avec succès, au sein de leurs propres organismes nationaux et avec les pays voisins.
Un effort assez récent en Afrique de l’Ouest a accru encore plus la coopération inter-agences, et cet effort porte ses fruits.
LE PROBLÈME EN AFRIQUE DE L’OUEST
Un rapport de 2014 publié par la WACD (West Africa Commission on Drugs, Commission ouest-africaine de drogues) déclare que les cartels se sont associés à des partenaires locaux pour faire de la région un chemin de transit pour amener les stupéfiants depuis l’Amérique du Sud vers l’Europe et depuis l’Asie vers l’Amérique du Nord. Les trafiquants ont dépassé le stade de la marijuana et la cocaïne pour se concentrer maintenant sur les stupéfiants synthétiques tels que les stimulants de type amphétamine (STA), selon le rapport.
Les premiers labos de STA à être démantelés dans la région étaient en Guinée en 2009, selon un rapport de 2016 de l’ONUDC. L’organisme national de lutte antidrogue du Nigeria en a démantelé au moins une douzaine depuis le milieu de 2011. Les saisies de STA en Afrique de l’Ouest ont augmenté de 480 pour cent entre 2012 et 2013, et les autorités de la Côte d’Ivoire ont confisqué 86 pour cent des 1.414 kilos saisis pendant cette période.
Le trafic de stupéfiants vaut des centaines de millions de dollars en Afrique de l’Ouest, où de nombreux pays émergent de plusieurs années de conflit politique et de violence. L’histoire récente de la région a produit des institutions gouvernementales et sécuritaires faibles que les réseaux de trafiquants peuvent facilement exploiter et contourner. Les trafiquants « bénéficient aussi de vastes réseaux de facilitateurs et d’intermédiaires dans les secteurs formel et informel qui leur assurent un accès facile aux aéroports, aux ports, aux installations de stockage et de transport, aux systèmes de communication et aux documents gouvernementaux », déclare le rapport WACD.
Les groupes criminels organisés du Nigeria sont souvent à l’avant-garde du trafic de cocaïne et ont maintenant « atteint le niveau des groupes d’Amérique latine en ce qui concerne leur capacité d’approvisionner, de financer et de transporter des quantités en vrac de cocaïne depuis l’Amérique latine vers l’Afrique, l’Europe et ailleurs », selon le « Rapport des marchés de stupéfiants de l’UE : analyse approfondie » de 2016. Les gangsters nigérians sont aussi parmi les groupes les plus actifs impliqués dans le trafic mondial de la méthamphétamine.
COOPÉRATION RÉGIONALE
Le trafic illicite, notamment celui des stupéfiants, continue à être un problème majeur en Afrique de l’Ouest. La présence de ces crimes menace et déstabilise les institutions sociales et politiques. Une grande partie de cette région est, depuis des années, rongée par la violence et la guerre civile. Selon l’ONUDC, ce problème est exacerbé par les différences de langue, les rivalités nationales, le manque de capacités techniques de communication et les déficits de connaissance et de formation parmi les organismes régionaux d’application de la loi.
« De telles formes de crime transnational organisé peuvent seulement être combattues par des organismes de mise en application de la loi proactifs et bien coordonnés, qui utilisent toutes les informations et les ressources disponibles au sein d’un pays, ainsi que les formes internationales de coopération opérationnelle », selon l’ONUDC.
L’Initiative pour les côtes de l’Afrique de l’Ouest (WACI) est le résultat de la collaboration entre l’ONUDC, d’autres bureaux de l’ONU et Interpol, qui travaillent ensemble pour soutenir les objectifs de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest visant à faire face aux problèmes des stupéfiants et du crime organisé. Les buts de WACI comprennent :
Développement de la capacité de coopération nationale, régionale et internationale concernant la mise en application des lois.
Création d’unités contre le crime transnational (TCU) pour coordonner la mise en application des lois, l’échange d’information et la collecte des renseignements parmi les organismes nationaux.
Accroissement du développement des capacités régionales et nationales, principalement en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Liberia et en Sierra Leone.
Les TCU sont au centre des efforts de lutte contre le trafic des stupéfiants en Afrique de l’Ouest. La première s’est ouverte en Sierra Leone en 2010, et la Guinée-Bissau et le Liberia ont établi des TCU en 2011. L’ONUDC fournit aussi une assistance consultative régulière pour l’établissement d’une TCU fonctionnelle en Côte d’Ivoire. Des dirigeants ont été désignés pour son centre et il pourrait ouvrir vers le milieu 2017.
« Nous avons constaté que de très bons résultats opérationnels avaient été enregistrés », déclare Pierre Lapaque, représentant régional du Bureau régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Dakar, au Sénégal.
Il est prévu d’ajouter aussi une TCU en Guinée, mais les négociations avec le gouvernement sont toujours en cours et le financement des donateurs n’a pas été obtenu. Il est improbable qu’elle ouvre cette année, déclare M. Lapaque.
Les TCU permettent à une grande variété d’organismes de mise en application de la loi et de sécurité de partager des locaux et de travailler ensemble. Les forces de police nationales, les gendarmes, le personnel des renseignements nationaux, la douane, l’immigration, les autorités des ports et des aéroports et les officiers luttant contre la corruption peuvent tous faire partie des TCU. « Il appartient au pays individuel de décider des organismes qui doivent faire partie de la TCU », déclare M. Lapaque.
Selon cette idée, la représentation conjointe des diverses agences évitera le travail en « vase clos » qui empêche le partage des informations. L’ouverture de ces vases clos est l’objet principal des TCU. Des résultats sont obtenus, déclare M. Lapaque, lorsque le personnel commence à se faire mutuellement confiance. Les informations sont aussi transmises des divers organismes aux TCU, où elles peuvent être analysées, disséminées et utilisées pour conduire des opérations, soit par la TCU elle-même soit par les organismes membres de la TCU. Le processus peut être lent mais les choses s’améliorent et les résultats sont évidents.
En juin 2016, la TCU de la Sierra Leone a appuyé une investigation internationale de trafic de stupéfiants dans un partenariat avec les autorités espagnoles, qui a conduit à la saisie d’un navire battant pavillon de la Sierra Leone dans la mer Méditerranée. Le navire transportait plus de 2 tonnes métriques de résine de cannabis et les autorités ont arrêté sept membres de l’équipage. Depuis que la TCU de la Sierra Leone a été établie en 2010, elle a investigué plus de 500 affaires, intenté des poursuites contre 350 personnes environ, et saisi 28 tonnes de marijuana, 142 kilos de cocaïne et 3 kilos d’héroïne, déclare M. Lapaque.
La TCU de la Guinée-Bissau a investigué plus de 70 affaires et poursuivi 83 personnes. Le Liberia a traité 59 affaires et arrêté et poursuivi 59 personnes.
Jusqu’à présent, les TCU ont fonctionné nationalement et régionalement, et cela est important dans une région qui affronte maintenant un éventail complexe de crimes liés aux stupéfiants. Il y a vingt-cinq ans, la région était surtout sujette à la consommation et au trafic de marijuana. Aujourd’hui, tous les types de stupéfiant font l’objet d’un trafic et l’Afrique de l’Ouest n’est pas seulement une région de transbordement. C’est une région qui produit, trafique et consomme tous les types de stupéfiants.
Il y a aussi eu une augmentation des liens entre le trafic des stupéfiants et l’extrémisme violent, déclare M. Lapaque.
« Il est très important de comprendre qu’il ne sera pas facile de stabiliser le monde si l’Afrique n’est pas stable », déclare M. Lapaque. « C’est donc quelque chose qui doit être clair et à quoi tout le monde doit faire attention. Nous ne pouvons pas laisser en arrière des points ou des régions faibles. »
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