Après des années de crise, l’Union africaine crée un nouveau mécanisme d’intervention militaire rapide
En octobre 2014, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, s’est adressé au Conseil de sécurité des Nations Unies pour demander de l’aide. Son discours faisait suite à une période sanglante, au cours de laquelle les insurgés avaient posé des bombes artisanales et perpétré des attentats en moto contre des soldats de la paix, dans le nord du pays, au cours desquels 9 soldats nigériens avaient trouvé la mort à Gao et 10 soldats tchadiens à Kidal.
« Il faut que la communauté internationale envoie un signal fort à ces terroristes. C’est le seul message auquel ils sont sensibles », a déclaré Abdoulaye Diop à l’ONU.
Abdoulaye Diop a fait ensuite une suggestion : les soldats de la paix doivent changer de tactique.
« Peut-être le Conseil devrait-il envisager la mise en place d’une Force d’intervention rapide capable de lutter efficacement contre les éléments terroristes ? », a-t-il dit.
Il a demandé deux choses qui ne sont pas particulièrement le fort des missions de maintien de la paix : la rapidité et la précision. L’entraînement, la bureaucratie et les mandats empêchent parfois les soldats de la paix de lancer des interventions rapidement et de repousser et neutraliser les fauteurs de trouble dans les zones de combat.
Le Mali est un bon exemple de cette carence. En 2012 et 2013, alors que les extrémistes consolidaient leur présence dans le nord, l’ONU et l’Union africaine ont passé des mois à chercher un consensus pour intervenir. Ce n’est que lorsque les extrémistes ont pris Konna, ville d’importance stratégique, et qu’ils se sont préparés à marcher vers le sud, sur la capitale Bamako, qu’une intervention a été lancée principalement par deux pays: la France et le Tchad.
Depuis, les quelque 10.000 soldats de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, ont maintenu l’ordre dans les principales villes du nord du Mali. Mais ils ont du mal à effectuer les missions de « recherche et destruction », dont s’étaient si bien acquittées les forces tchadiennes et françaises, début 2013, notamment pour éliminer les repères de extrémistes dans les montagnes de l’Adrar des Ifoghas.
Les événements qui se sont produits depuis la crise au Mali n’ont fait que renforcer la nécessité d’une force d’intervention rapide sur le continent. Fin 2013, la guerre civile en République centrafricaine (RCA), a nécessité une intervention rapide de la France, sous le nom de code d’Opération Sangaris, en collaboration avec les forces de l’UA. En décembre 2013, l’Ouganda a pris la décision unilatérale et controversée d’envoyer des troupes au Soudan du Sud, parce qu’une réaction internationale se faisait attendre.
Dans tous les cas, il fallait agir plus vite, a déclaré Solomon Dersso, chercheur à l’Institut d’études de sécurité, basé à Addis Abeba, en Éthiopie. « Les États membres de l’UA n’ont pas réussi à fournir les réactions requises et celles qu’elles ont réussi à envoyer à la fin sont arrivées trop tard et furent trop faibles », a déclaré Solomon Dersso, dans une interview avec IRIN.
Dans une allocation télévisée, début 2014, Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, a parlé au nom de nombreux dirigeants africains lorsqu’il a déclaré qu’il était temps de passer à l’action. L’Afrique « doit prendre son destin en main avant d’attendre le soutien de la communauté internationale. Le moment est venu pour que l’Afrique prenne elle-même une position ferme. Qu’il s’agisse du Nigeria, de la Centrafrique ou du Sud Soudan, les Africains doivent se mettre en première ligne », a-t-il dit.
L’UA CHANGE DE STRATÉGIE
L’Union africaine est consciente de la nécessité d’accroître la rapidité des interventions. Le protocole de 2002, établissant la Force africaine en attente (FAA), a appelé chaque région à être prête à déployer un bataillon d’intervention sous un délai de 14 jours. C’était une priorité absolue après le génocide au Rwanda, où une intervention lente et inadéquate avait causé la mort de 800.000 personnes en une centaine de jours.
Mais la FAA a connu des retards et des revers. Alors qu’elle devait être opérationnelle en 2010, l’échéance a été repoussée à 2015. Certains pays ne seront probablement pas prêts à cette date.
Au lendemain de l’échec d’une intervention rapide au Mali, l’UA évalue ses options. La question a été un sujet brûlant lors de la célébration du 50ème anniversaire de l’UA à Addis Abeba, en mai 2013. Les débats ont débouché sur la création de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), qui doit servir de mécanisme intermédiaire jusqu’à ce que la FAA soit opérationnelle.
La CARIC préconise la création d’un « réservoir » de 5.000 hommes, fournis volontairement par les pays à travers le continent. Elle puiserait, dans cette réserve, des groupements tactiques de 1.500 hommes capables de se déployer en 10 jours ou moins et d’être autonomes pendant au moins 30 jours. La structure préconise aussi la création d’un bataillon d’appui d’artillerie, d’une brigade légère blindée et d’une escadre aérienne.
« L’objectif est de mettre en place une force efficiente, robuste et crédible », a déclaré la présidente de l’UA, Nkozana Dlamini Zuma, dans un rapport présentant le plan. La force pourrait être déployée rapidement, être apte à mener des opérations rapides et ouvrir la voie à des opérations de paix de l’UA et/ou de l’ONU, a-t-elle ajouté.
La CARIC présente deux différences majeures par rapport à la FAA.
• Elle dépend d’États chefs de file : contrairement à la FAA, qui est alignée sur les Communautés économiques régionales, la CARIC dépend de là où il y a une capacité sur le continent. Par exemple, bien que l’intervention au Mali ait d’abord été planifiée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, c’est le Tchad – qui ne fait pas partie de la CEDEAO – qui a finalement envoyé 2.000 soldats dans le pays en proie à la guerre. Le cadre sous-régional de la FAA a pour conséquence involontaire d’exclure les pays contributeurs qui se trouvent en dehors de la région, mais qui seraient les mieux à même d’intervenir.
Une intervention de la CARIC serait différente. Elle pourrait impliquer plusieurs pays contributeurs de troupes à travers le continent ou bien un seul pays clé, prêt à envoyer tout un contingent de 1.500 soldats. « Cette nouvelle approche est une tentative de …valider ce qui s’est passé lors des derniers conflits, où les opérations africaines n’ont pu être déployées que grâce à la mobilisation d’États clés volontaires », a écrit Romain Esmenjaud, dans un article publié dans le journal African Security Review. « On peut penser au rôle joué par le Tchad en RCA ou par l’Ouganda et le Kenya en Somalie. Il est intéressant de noter que ce rôle a été parfois joué par des États qui ne font pas partie d’organisations sous-régionales couvrant la crise ».
• Elle est plus souple : la FAA présente explicitement six scénarios dans lesquels une intervention peut être lancée. Le rôle de la force en attente s’étend du conseil aux armées à la prévention du génocide. Bien que ces scénarios aient été définis pour offrir des conseils en matière d’urgence et d’examen de l’étendue du problème, ils ont fini par limiter les interventions dans des conflits qui ne correspondaient à aucun scénario. En revanche, la CARIC a une portée plus large et se donne une plus grande marge de manœuvre pour intervenir dans un certain nombre de cas dont « la neutralisation de groupes terroristes », la lutte contre la criminalité transfrontière ou la répression d’une insurrection armée. La CARIC ne se limite pas au maintien de la paix et assure qu’elle peut être déployée dans le cadre plus proactif de la consolidation de la paix.
« La volonté d’élargir le rôle des troupes africaines est le reflet évident du manque de pertinence des scénarios existants, comme l’on démontré les crises en Somalie et au Mali », a écrit Romain Esmenjaud. « Dans les deux cas, les troupes africaines ont dû intervenir dans des guerres réelles, ce qu’en théorie, la doctrine de la FAA n’aurait pas permis ».
UN MODÈLE ‘JUSTE À TEMPS’
Le Dr. Cedric de Coning, expert sud-africain en sécurité et conseiller du Centre africain pour la résolution constructive des conflits, est d’avis qu’il faut modifier les modèles d’intervention. Mais, avant toute chose, il convient de faire les louanges des armées africaines qui ont lutté pour le maintien de la paix ces vingt dernières années.
« Lorsque nous disons que la FAA ne fonctionne pas, nous sous-estimons les forces africaines et les pays africains qui sont déployés en ce moment et qui font ce travail », a-t-il déclaré à ADF.
Cedric de Coning a déclaré que le modèle FAA d’une brigade d’intervention rapide, qui peut être déployée par une organisation régionale, est une tâche difficile. Il y a peu de régions dans le monde qui en sont capables. Par exemple, la Brigade multinationale d’intervention rapide des forces en attente des Nations Unies, sous conduite du Danemark, a été abandonnée et le groupement tactique de l’Union européenne a rarement été utilisé, a-t-il dit.
« Finalement, aucune de ces capacités en attente n’a encore fonctionné », a-t-il ajouté.
Entre temps, les pays africains se sont fait une place parmi les meilleurs soldats de la paix. Ils ont créé une coalition pour reprendre la Somalie des mains d’Al-Shebab, ils ont contribué à maintenir la paix au Darfour et ils ont évité un bain de sang en RCA. « La seule partie de la FAA qui ne marche pas c’est cette attente des brigades, mais les capacités ont été renforcées et nous avons maintenant 70.000 soldats africains déployés par le bias de L’UA et les Nations Unies », a précisé de Coning, « Il y a là une énorme capacité. Il n’y a pas d’autre région du monde où 70.000 hommes sont déployés, à part dans les pays de l’OTAN et aux États-Unis ».
Cedric de Coning affirme qu’il est essentiel aujourd’hui de créer ce qu’il appelle un modèle « juste à temps » pour une intervention rapide dans les crises africaines. L’accent serait mis sur le renforcement des capacités au niveau national et non pas régional. En cas de crise, l’UA rassemblerait une « coalition de volontaires », composée de pays capables d’envoyer des troupes et ayant un intérêt national suffisant pour participer. L’ancien modèle de casques bleus désintéressés ou neutres n’est pas pratique, a-t-il dit, dans les missions anti-insurrectionnelles à haut risque, ce qui caractérise la plupart des conflits africains aujourd’hui et, probablement aussi à l’avenir.
« Seuls les pays ayant un intérêt national voudront envoyer des troupes, même si cela s’avère coûteux en termes de pertes et de dépenses. C’est pourquoi je pense que le modèle en attente ne marchera pas », a-t-il dit. « Il est très improbable que ce type de brigade en attente prédéfini réponde aux critères spécifiques du cas en question ».
La rapidité est déjà un atout important pour l’UA ; il ne manque plus maintenant qu’un bon leadership, des fonds et la volonté de créer les bonnes coalitions « juste à temps » pour réagir à une crise donnée, explique Cedric de Coning.
« Si l’Union africaine et les troupes africaines peuvent se déployer plus rapidement que les Nations Unies, c’est parce qu’elles n’obéissent pas aux mêmes normes et règles que l’ONU ou l’UE, qui ne se déploieront pas avant qu’un hôpital, un campement et un matériel de communication correct soient en place. Alors, si vous respectez ces normes et règles, il vous faudra 90 jours pour vous déployer », a déclaré Cedric de Coning.
Cedric de Coning a pressé l’UA de ne pas créer un système complexe, comme celui de l’ONU, qui ne ferait que ralentir les déploiements futurs.
Lorsque des coalitions sont formées, il est important de préserver la coopération interpersonnelle de président à président ou de général à général, qui assure une présence sur le terrain aussi vite que possible.
« L’avantage comparatif de l’UA et de tous les pays africains c’est qu’ils peuvent se déployer rapidement et qu’ils veulent être plus robustes. Si vous changez cela pour mettre en place une nouvelle bureaucratie, vous perdez alors l’avantage comparatif », a ajouté Cedric de Coning.
merci et surtout mes encouragements,je suis soldat adjudant chef major et nommé préfet du département de MANSILA dans la région du sahel qui fait frontière avec une petite partie du NIGER.Mon département est enclavé surtout en saison pluvieuse pendant six mois.Pas de couverture radio ni télévision. Merci pour ce site.Je souhaite recevoir des appuis conseils en prévention et sur le concept de la sécurité humaine.Merci