L’Afrique du Sud, un des leaders en matière d’intervention face aux catastrophes, améliore son plan d’action
PERSONNEL D’ADF
En janvier 2013, après des semaines de fortes pluies, le Limpopo, au Mozambique, est sorti de son lit, inondant les terres agricoles et les villages alentour. À mesure que la crue augmentait, près de 185.000 personnes ont été forcées de quitter leur foyer. Des lignes de transmission endommagées ont privé d’électricité la moitié du pays. Bien qu’une telle catastrophe puisse facilement engloutir les ressources d’un pays comme le Mozambique, sa population a bénéficié de l’aide de son voisin du sud.
Une équipe d’une centaine de personnes provenant de tous les secteurs de la Force de défense nationale sud-africaine (South African National Defence Force ou SANDF), comprenant huit plongeurs, des pilotes aux commandes d’hélicoptères Oryx et d’avions C-130, des médecins militaires, des infirmières et des agents de sécurité sanitaire de l’environnement, est intervenue. Les membres de l’équipe ont transporté 150 tonnes de vivres données par une organisation non gouvernementale. Ils ont aussi sauvé 500 personnes, dont beaucoup d’entre elles s’étaient réfugiées sur les toits ou dans les arbres, et traité des centaines de victimes souffrant de blessures et de maladies.
L’Afrique du Sud dispose de la structure d’intervention en cas de catastrophes la plus performante du continent. C’est une nécessité et aussi le fruit d’années de dure expérience. La géographie du pays va de montagnes arides à des vallées inondables. Certaines régions connaissent régulièrement des tempêtes de neige tandis que, dans d’autres, une étincelle peut déclencher un incendie. Parfois les changements de saison peuvent transformer un lieu habituellement aride en une zone submergée, en l’espace de quelques mois.
Andries Jordaan, directeur du Centre d’éducation et de formation à la gestion des catastrophes pour l’Afrique, au sein de l’Université de la province de l’État libre, a étudié le paysage des catastrophes du pays pendant des années. Selon lui, les plus grandes menaces de catastrophes pour l’économie et les habitants d’Afrique du Sud sont la sécheresse, les inondations et les feux de brousse. Ces dernières années, la surpopulation et l’urbanisation dans des régions comme la province du Cap occidental, où sont arrivées des vagues de migrants cherchant du travail, ont aggravé le problème. Ces mouvements de population tendent à peser sur les ressources, a-t-il dit.
« Des foules affluent en masse vers la province du Cap occidental, ce qui met nos ressources à rude épreuve en termes d’approvisionnement en eau et en eau potable, a déclaré Andries Jordaan à ADF. Les gens ont tendance à s’installer dans des endroits vulnérables, comme des plaines inondables, et à y construire des logements de fortune, ce qui rend évidemment toute la population encore plus vulnérable. » De plus, d’après lui, beaucoup d’habitants de ces communautés n’ont pas d’électricité. Par conséquent, ils utilisent des feux ouverts, ce qui entraîne des incendies.
Entre 1980 et 2010, 585.000 personnes en moyenne ont été touchées par des catastrophes chaque année en Afrique du Sud. Bien que les inondations aient été les plus fréquentes avec 25 cas enregistrés, selon le site des Nations Unies PreventionWeb, la sécheresse a été la catastrophe la plus coûteuse, avec 143 millions de dollars en moyenne et la plus destructrice ayant coûté environ 1 milliard de dollars.
Consciente de la nécessité de disposer d’un plan détaillé de lutte contre les catastrophes, l’Afrique du Sud a adopté la loi sur la gestion des catastrophes (Disaster Management Act ou DMA) en 2002. Celle-ci remplaçait la loi désuète sur la défense civile, qui se concentrait principalement sur les mesures d’intervention et les opérations de recherche et de sauvetage au lieu de la planification et de la prévention. En 2005, le pays a créé le cadre national de gestion des catastrophes naturelles pour mettre en œuvre la DMA. Dans le cadre de la loi, le Centre national de gestion des catastrophes a été mis en place à Pretoria afin de coordonner l’intervention en cas de catastrophes dans tout le pays. La DMA décentralisait également les responsabilités en donnant davantage de pouvoir aux responsables provinciaux et municipaux. L’objectif était de créer un système national intégré de gestion des catastrophes, de donner la priorité à l’évaluation et à la réduction des risques mais aussi d’officialiser les canaux d’intervention.
« Nous sommes parvenus à la conclusion que la gestion des catastrophes, telle que nous la connaissons, n’incluait pas seulement la défense civile et les opérations d’intervention, mais aussi des questions de préparation, de sensibilisation, de réduction et de développement, que l’ancienne loi de défense civile ne traitait pas », a déclaré Anthony Kesten, président du comité exécutif de l’Institut de gestion des catastrophes d’Afrique du Sud.
La DMA a été largement saluée comme étant un modèle pour le continent. Toutefois, selon des experts, sa mise en œuvre a pris du retard. Beaucoup d’évaluations de risques nécessaires n’ont pas eu lieu. « Je pense que ce sont d’excellents documents. La loi est bonne. Le cadre est excellent, a affirmé Andries Jordaan. La mise en œuvre a posé problème. […] La loi devait être entièrement appliquée en 2007. Or, aujourd’hui, je ne pense pas que nous ayons achevé 20 pour cent de nos objectifs de mise en œuvre. »
La loi n’a pas non plus officialisé le rôle de l’armée. La SANDF a été essentiellement supprimée du cadre de gestion des catastrophes pour n’être appelée que sur une base ad hoc, en cas de besoin, selon Andries Jordaan. Cela n’a pas toujours été le cas. Pendant des décennies, avant la DMA, les forces de réserve de tout le pays s’occupaient en grande partie de la gestion des catastrophes. Les chefs militaires de réserve disposaient de l’autorité, de la formation et de l’équipement pour intervenir en cas de catastrophe.
La SANDF moderne possède de nombreux atouts pour intervenir en cas de catastrophes. L’armée de l’air est qualifiée pour transporter l’aide dans les zones touchées et pour évacuer en hélicoptère les personnes isolées par les inondations. Depuis 1979, l’armée de l’air sud-africaine organise des séances d’entraînement à la lutte contre les incendies et des formations sur les compétences en interventions de sauvetage. Le génie militaire est aussi apte à intervenir par la construction de ponts sur les eaux en crue. Le Service de santé militaire d’Afrique du Sud est prêt à mettre en place des cliniques d’urgence en cas d’événement impliquant de nombreuses victimes. De plus, la SANDF gère la radio nationale d’alerte d’urgence, qui diffuse des informations en cas de catastrophe.
Bien que la SANDF ait été appelée à plusieurs reprises pour intervenir en cas de catastrophes, ces dernières années, la DMA a réduit le rôle de l’armée. Cette situation devait changer en 2013. En effet, la DMA devrait être amendée pour définir le rôle de la SANDF en tant qu’élément du cadre national de gestion des catastrophes.
« Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une lacune. Il est évident que l’armée a la capacité de direction et de contrôle : elle dispose de la logistique et du personnel pour fournir une aide au pays, a déclaré Andries Jordaan. Elle est capable de le faire. Elle est la seule à pouvoir réellement intervenir en cas de catastrophe. Par conséquent, je suis vraiment content de ce nouvel amendement, grâce auquel elle sera plus impliquée à l’avenir. »
Selon Anthony Kesten, l’armée continuera de mettre en place des mesures d’intervention, sur demande du directeur du centre national. « Sa fonction première est de défendre le pays, a-t-il dit. Or, sa deuxième fonction est de rechercher et de secourir, d’une part, et de riposter et de réhabiliter en cas de catastrophes, d’autre part. »
Le général Xolani Mabanga, porte-parole de la SANDF, a affirmé que les mesures d’intervention en cas de catastrophes ont toujours constitué une part importante de la mission de l’armée. D’après ses précisions, elle fait partie des trois objectifs de la SANDF, à savoir défendre le pays contre les attaques, promouvoir la paix et la stabilité dans la région et fournir une aide au peuple sud-africain.
Dans le cadre de ce troisième objectif, chaque année à la saison des pluies, la SANDF surveille le niveau des crues et positionne des effectifs dans les provinces où les inondations risquent de se produire. « Nous devons être vigilants, a-t-il dit. Ces éléments doivent toujours être prêts et déployés dans une zone où ils peuvent intervenir rapidement. »
À mesure que la DMA sera amendée et mise en œuvre dans les années à venir, le général Mabanga s’attend à ce que l’armée réévalue aussi son rôle, même s’il consistera toujours à soutenir les structures et les responsables civils.
D’après le scénario le plus probable, dès l’apparition d’une catastrophe, un centre d’opérations conjointes est monté, où se rassembleront tous les acteurs concernés pour organiser une intervention coordonnée, a poursuivi le général Mabanga. La structure de commandement civile demandera certaines ressources et membres du personnel de la SANDF, qui, à leur tour, transmettront ces demandes à l’état-major des opérations conjointes, situé dans chacune des neuf provinces. Pour être autorisées, les demandes doivent être envoyées aussi bien à la chaîne de commandement militaire qu’à celle en charge des interventions civiles. Si cette démarche est planifiée à l’avance, l’autorisation peut être plus rapide et plus efficace.
« Nous ne pouvons pas nous lancer seuls dans une intervention », a déclaré le général Mabanga. « Nous devons suivre la structure existante et obtenir la mission ou l’autorisation d’assister ou de diriger les opérations dans de tels cas. »
Bien que la SANDF soit prête à intervenir en cas de catastrophes, toutes les parties semblent s’accorder sur le fait que, dans les années à venir, l’aspect le plus important de la gestion des catastrophes sera l’atténuation et la prévention. Le pays a fait des progrès à cet égard. Le Service météorologique sud-africain (South African Weather Services ou SAWS) utilise des données obtenues par satellite pour fournir des prévisions à court et à long termes de sécheresse ou d’inondations, de sorte que les autorités soient préparées. Le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche enseigne aux paysans des pratiques d’utilisation des terres qui peuvent réduire les effets des phénomènes climatiques extrêmes.
Après tout, l’intervention la plus efficace consiste à éviter la catastrophe en premier lieu. « Nous savons très bien quelles populations sont exposées à quelles catastrophes. En outre, les provinces et les différentes municipalités établissent des plans en conséquence, a affirmé Andries Jordaan. Nous devons investir dans la réduction des risques et des facteurs de vulnérabilité au lieu des interventions. […] Nous devons nous assurer que les gens ne vivent pas dans des plaines inondables et mettre en place des systèmes d’alerte précoce. L’outil le plus efficace est la sensibilisation. ».
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