Comprendre les cycles de la gestion des situations d’urgence peut atténuer l’impact des catastrophes
PERSONNEL D’ADF
Au Malawi, la saison de la faim, qui dure normalement du mois d’août au mois de mars, s’est rallongée ces dernières années. La déforestation et le changement climatique ont perturbé les cycles pluviométriques. Une telle situation met à l’épreuve la région du sud, où est concentrée la pauvreté. Malgré cela, environ 200.000 habitants de huit districts ont adapté leurs moyens de subsistance et ont modifié leurs pratiques agricoles pour intensifier leur résilience aux épisodes prolongés de sécheresse.
Avec l’aide de l’Agence américaine pour le développement international (U.S. Agency for International Development ou USAID), les Malawites apprennent des techniques de conservation pour exploiter au mieux leur terre. Ils plantent des arbres en vue de faciliter la rétention d’eau dans les sols. Ils creusent des tranchées pour canaliser l’eau vers les cultures. Des pompes à pédales contribuent également à l’acheminement de l’eau. Ce travail renforce les efforts plus traditionnels visant à surmonter les épisodes de sécheresse.
« Nous observons les comportements des oiseaux, la direction du vent ou la floraison des manguiers », explique Jailos Mbawa, un membre bénévole de la communauté malawite qui s’efforce de réduire les risques liés aux catastrophes, dans une vidéo réalisée pour ProVention Consortium. « Nous pouvons déterminer l’arrivée éventuelle des pluies. »
Ces efforts mettent en exergue l’importance de la résilience, un élément crucial de la prise en charge des situations de catastrophe. En effet, les communautés locales résilientes sont capables de diversifier leurs moyens de subsistance pour surmonter les chocs et les facteurs de stress. Il peut arriver qu’un village confronté à des épisodes de sécheresse persistante ne puisse pas être en mesure de dépendre de l’agriculture pour sa subsistance. Ses résidents peuvent, par exemple, élever des chèvres et de la volaille pour subvenir à leurs besoins lorsque les récoltes sont maigres.
Les institutions publiques et militaires peuvent également stimuler la résilience. Les autorités du pays doivent disposer de cadres de travail et d’institutions leur permettant d’intervenir rapidement et efficacement en cas de catastrophe. La compréhension de la nature cyclique des catastrophes et les mesures d’interventions appropriées peuvent contribuer à renforcer cette capacité.
Les phases du cycle de gestion des situations d’urgence
Alors que de nombreux habitants du sud du Malawi ont appris à s’adapter à la nature cyclique des épisodes de sécheresse, les gouvernements nationaux, les armées et les intervenants en situation d’urgence doivent aussi connaître les phases du cycle de gestion des situations d’urgence et planifier leurs interventions en conséquence. Ces quatre phases sont généralement la prévention et l’atténuation, l’état de préparation, l’intervention et le secours et enfin le redressement et le relèvement. Ces phases sont typiques de la plupart des catastrophes majeures, telles que les inondations et les périodes de sécheresse, très fréquentes en Afrique. Voici un aperçu de chaque phase.
La prévention et l’atténuation concernent les efforts entrepris pour éviter de futures catastrophes, ou tout au moins en atténuer au maximum les effets. Cette phase comprend toute action engagée pour réduire la gravité des dommages lorsqu’une catastrophe ne peut pas être évitée. Par exemple, dans un village agricole du Burkina Faso, les habitants ont tenté d’éviter la dévastation causée par les épisodes de sécheresse à l’aide d’un barrage permettant l’accumulation de l’eau, une précieuse ressource. L’eau est ensuite acheminée vers les cultures grâce à des petits canaux. Certains agriculteurs de ce pays et du Niger plantent également des arbres et creusent des demi-lunes, c’est-à-dire des cuvettes en demi-cercle destinées à collecter et à stocker l’eau. Ces mesures permettent d’irriguer les cultures lorsque la pluie se fait rare.
L’état de préparation implique une planification assurant la sécurité et contribue aux opérations d’intervention et de secours. Vers la fin de l’été 2013 au Ghana, l’Organisme de gestion des catastrophes naturelles (National Disaster Management Organisation ou NADMO) a fait face à des inondations, un problème fréquent durant la saison des pluies. Le Burkina Faso limitrophe envisageait le déversement du barrage Bagre pour disperser ses propres eaux de pluie, abondantes. Ce déversement devait s’écouler dans le Nord du Ghana. Pour se préparer à cette éventualité, Kofi Portuphy, le coordinateur national de NADMO, a déclaré que les responsables avaient cartographié les petits affluents de la Volta afin d’identifier les communautés locales vulnérables nécessitant une évacuation, le cas échéant.
L’intervention et les secours concernent les actions engagées pour sauver des vies et empêcher davantage de dommages aux biens. Au cours de cette phase sont mis en œuvre les plans de préparation aux situations de catastrophe et d’intervention d’urgence. Par exemple, dans l’éventualité d’une flambée de grippe pandémique, un ministre de la Santé publique peut mobiliser un programme de vaccination pour ralentir la propagation de l’infection. L’armée peut aider à mettre en place des zones de quarantaine et à assurer la sécurité afin que les intervenants médicaux puissent traiter les malades et les prendre en charge. Pendant les famines, comme celle qui a sévi en Somalie de 2010 à 2012, les forces de sécurité peuvent assurer l’ordre pendant que les organisations d’aide humanitaire distribuent des vivres.
Le redressement et le relèvement ont lieu lorsqu’un pays s’efforce de retrouver le cours normal des choses, ou tout au moins une situation plus sûre, après une catastrophe. Cette phase du cycle de gestion des situations d’urgence peut concerner les problèmes de développement, tels que la réparation ou la remise en état des infrastructures endommagées. C’est également le moment de réexaminer les efforts d’atténuation et de prévention, afin de se préparer à une nouvelle catastrophe.
Lorsqu’ils procèdent au remplacement ou à la réparation de routes et de ponts emportés par les inondations, les responsables peuvent envisager d’inclure de meilleurs réseaux d’assainissement pour aider à éviter des dommages futurs.
Le renforcement des capacités sur tout le continent
L’aptitude des pays africains à prévenir efficacement les catastrophes naturelles, à intervenir en conséquence et à s’en relever est très variable, selon Lorraine Rapp, directrice du Programme de préparation aux catastrophes à l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique. Son programme noue des contacts avec la société civile et les institutions militaires des pays africains volontaires, analysant leurs systèmes de gestion des situations d’urgence pour en identifier les lacunes et les points forts.
Parallèlement, le programme offre des ateliers et des exercices de formation pour aider les différents pays à élaborer un plan d’action afin qu’ils puissent mettre en place leurs propres systèmes de gestion des catastrophes. Une fois la planification établie, les partenaires se réunissent avec l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique en vue d’examiner la façon dont ils peuvent aider le pays à renforcer cette capacité.
« Je pense qu’il y a beaucoup de capacités, en ce sens que nos partenaires sont des professionnels. Ils savent ce qu’il est nécessaire d’accomplir, a expliqué Lorraine Rapp. Ils ont les bonnes idées. Ils n’ont tout simplement pas les ressources permettant de renforcer cette capacité. »
L’état-major unifié a travaillé de la façon la plus approfondie avec le Ghana, le Kenya, le Nigeria et l’Ouganda. Il a eu divers niveaux d’interaction avec le Bénin, le Burkina Faso, le Liberia, le Mozambique, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et le Togo. Un soutien d’appoint a été offert au Botswana, à Maurice et au Maroc.
Une réussite exemplaire au Ghana
Le Ghana se distingue particulièrement en Afrique en raison de l’autorité légale de NADMO pour coordonner les interventions en cas de catastrophes entre les diverses agences nationales. D’autres pays peuvent disposer d’organismes de gestion des catastrophes. Toutefois, sans autorité légale, ils doivent passer par l’intermédiaire du président ou du premier ministre de leur pays. Cette absence d’autorité peut compliquer et retarder l’efficacité et la coordination des interventions lorsque frappe la catastrophe. Au Ghana, le ministère de l’Intérieur donne à NADMO les moyens d’action pour coordonner les interventions.
Le Ghana travaille également en partenariat avec la Garde nationale du Dakota du Nord par le biais du Programme de partenariat avec les États (State Partnership Program ou SPP) du Département de la Défense des États-Unis, qui met en relation les divers États des États-Unis avec des pays du monde entier. Dans le cadre de cette relation, Kofi Portuphy de NADMO s’est rendu dans le Dakota du Nord pour observer les interventions de la Garde nationale visant à faire face à des inondations, une situation qui est familière aux deux régions. Le commandant Brock Larson, directeur du SPP du Dakota du Nord, a indiqué que Kofi Portuphy est revenu dans son pays et a aussitôt commencé à travailler sur la construction du Centre national des opérations pour les situations d’urgence du Ghana. Le personnel de la Garde nationale du Dakota du Nord a aidé les Ghanéens à organiser le centre et à mettre en place la gestion de l’information. En outre, elle a formé les instructeurs de façon à ce que le Ghana puisse proposer une formation à ses propres responsables de la gestion des situations d’urgence dans l’ensemble du pays.
L’armée joue un rôle crucial dans les interventions en cas de catastrophes
Pour ce qui est des quatre phases de la gestion des situations d’urgence, l’armée peut souvent avoir le plus d’impact en matière d’intervention et de secours. Les armées disposent de l’équipement et des capacités permettant de livrer des vivres et d’autres fournitures mais aussi d’établir les communications, comme le rappelle Marcus Oxley, directeur du Réseau mondial d’organisations de la société civile pour la réduction des risques liés aux catastrophes. Les armées peuvent acheminer les intervenants et les équipements dans les zones frappées par une catastrophe, même si un événement endommage ou détruit une infrastructure.
Cette capacité était manifeste début 2013. Les Forces de défense nationale sud-africaines (South African National Defence Force ou SANDF) ont porté assistance au Mozambique lors de crues ayant provoqué le déplacement de milliers de personnes. L’armée de l’air sud-africaine a transporté plus de 150 tonnes de vivres, et les SANDF ont secouru des centaines d’habitants menacés par la montée des eaux du Limpopo.
Le groupe de Marcus Oxley se concentre sur l’atténuation et la prévention. Ces initiatives consistent en partie à s’assurer que les habitants tiennent compte de la résilience dans leurs moyens de subsistance, comme les villageois du sud du Malawi. Si aucun progrès n’est accompli dans ces domaines, les vulnérabilités persistent et les communautés locales sont en proie aux difficultés lorsque frappe la catastrophe. « Donc, évidemment, il nous faut être dans un meilleur état de préparation et pouvoir mieux intervenir. Cependant, si nous ne nous attaquons pas aux causes, nous accuserons toujours du retard, a constaté Marcus Oxley. Malheureusement, c’est là que nous faisons le moins de progrès. »
Il n’est pas rare que des catastrophes surviennent dans des zones de conflit, comme la famine en Somalie. « Ce n’est jamais simplement une catastrophe naturelle, a ajouté Marcus Oxley. Il y a toujours également une vulnérabilité et une exposition extrêmes, qui est autant causée par l’insécurité et la fragilité des ces pays que par le phénomène naturel en lui-même (le cyclone, l’inondation, ou la sécheresse). Ainsi, vous obtenez cette sorte de situation hybride, pour ainsi dire, dans un contexte africain. Ce n’est pas toujours le cas. Toutefois, il y a de fortes chances que la situation soit hybride en faisant converger des problèmes naturels et des problèmes créés par l’homme. »
Ces problèmes créés par l’homme impliquent souvent un manque de sécurité. Les armées peuvent donc jouer un rôle avant que la catastrophe ne frappe, en favorisant la stabilité et en assurant la sécurité. « Vous n’allez jamais être capable d’instaurer un certain niveau de résilience si l‘environnement n’est pas véritablement stable », a ajouté Marcus Oxley.