Africa Defense Forum

Les Africains considèrent les allégements de dette pour payer les projets d’infrastructure

PERSONNEL D’ADF

La Chine a reçu une série de demandes d’allègement de dette provenant des pays africains, liées au projet tentaculaire de la Nouvelle route de la soie (One Belt, One Road, OBOR) alors que le Covid-19 heurte les économies de tout le continent.

Pour empêcher la propagation du Covid-19, maladie causée par un nouveau coronavirus, un grand nombre de pays africains ont mis en œuvre des mesures strictes de confinement qui ont provoqué des dommages économiques universels. Avec les commerces fermés et des millions au chômage, les gouvernements africains se préoccupent de leur capacité de rembourser les énormes prêts chinois alors qu’ils ont des difficultés pour contrôler la pandémie.

« En vertu du droit international, la Chine est responsable pour tout dommage qu’elle a causé aux autres pays, que ce soit par ses actions ou ses omissions », déclare Tom Ginsburg, professeur de droit international et de science politique à l’Université de Chicago, à l’agence de presse internationale Anadolu Agency basée en Turquie. « C’est un fait que la Chine a supprimé les informations concernant le virus à l’intérieur du pays et qu’elle a informé l’Organisation mondiale de la santé après la date à laquelle elle aurait dû le faire. »

Entre 2000 et 2017, le gouvernement, les banques et les entrepreneurs chinois ont prêté à plusieurs pays africains des sommes d’environ 146 milliards de dollars, dont une grande partie était liée à OBOR, qui vise à développer le commerce en construisant des routes, des chemins de fer et des ports. La Chine énumère 39 pays africains sur son site Web officiel OBOR, depuis la Tunisie jusqu’à l’Afrique du Sud selon la géographie.

L’Angola est le premier bénéficiaire des engagements de prêt chinois, à hauteur de 43 milliards de dollars sur 17 ans.

Au début 2020, avant que la pandémie ne frappe le continent, le secteur africain du tourisme semblait sur la voie d’une autre année lucrative. L’Afrique avait une industrie touristique qui enregistrait la deuxième plus forte croissance du monde, et on prévoyait qu’elle gagnerait des milliards de dollars. Mais lorsque le Covid-19 a frappé, « les touristes ont cessé de venir et l’industrie a marqué subitement le pas », selon le service médiatique allemand Deutsche Welle (DW).

« Les tours des forts et des châteaux du Ghana ont cessé, les véhicules de safari qui rôdent normalement dans la plaine du Serengeti en Afrique de l’Est pour rechercher la parfaite photo de la vie sauvage sont immobiles, et les camps luxueux du delta de l’Okavango au Botswana s’empoussièrent », selon le reportage de DW.

Le tour-opérateur ghanéen Moses Femi Gbeku a récemment déclaré qu’il avait organisé son tour le plus récent avant que le Covid-19 ne devienne une pandémie.

« Après ça, environ six de mes tours ont été annulés, a-t-il dit. Pour ces tours, les gens [viennent typiquement] des États-Unis, du Canada et des pays d’Europe. »

Il est anticipé que les lignes aériennes africaines perdront des revenus à hauteur de 6 milliards de dollars cette année. La pandémie pourrait aussi se traduire par une perte de revenus de 65 milliards de dollars du fait de la chute du prix du pétrole. Au Nigeria, la pandémie pourrait réduire les exportations totales de pétrole brut de 14 milliards de dollars. Les pertes de revenus provenant de l’exportation des combustibles en Afrique pourraient s’élever à 101 milliards de dollars cette année.

L’épidémie en cours pourrait provoquer la première récession en Afrique subsaharienne depuis plus de 25 ans. La croissance économique de la région est anticipée chuter de 2,4 % en 2019 à entre -2,1 et -5,1 %, selon les responsables de la Banque mondiale.

« La pandémie de Covid-19 met à l’épreuve les limites des sociétés et des économies dans le monde entier, et il est probable que les pays africains seront particulièrement touchés », déclare Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique.

« Nous mobilisons toutes les ressources possibles pour aider les pays à faire face aux besoins de santé et de survie immédiats des gens tout en protégeant les moyens de subsistance et les emplois à long terme, y compris les demandes de moratoire sur les paiements liés aux dettes bilatérales officielles, ce qui libérerait des fonds pour renforcer les systèmes de santé, affronter le Covid-19 et sauver des vies », déclare M. Ghanem.

Les conseillers politiques et les banquiers chinois ont déclaré au Financial Times que la Chine considérait un certain nombre de réponses aux demandes d’allègement de dette, y compris la suspension des paiements des intérêts sur les emprunts accordés par les institutions financières du pays.

Un conseiller politique du gouvernement chinois, qui a préféré garder l’anonymat, a déclaré que l’option préférée par Pékin concernant sa réponse aux demandes d’allègement de dette des pays serait de suspendre les paiements des intérêts sur les prêts.

Manu Lekunze, professeur de politique et de relations internationales à l’Université d’Aberdeen en Écosse, a déclaré à Al Jazeera que les demandes africaines d’allègement de dette avaient « coincé » la Chine.

« Ils veulent pouvoir continuer à prêter à l’Afrique après le Covid-19 pour gagner de l’argent et avoir de l’influence, déclare-t-il. Mais en même temps ils veulent pouvoir sembler aider l’Afrique en ce moment particulier. »

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